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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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n’est fait, les parieurs se régalent. Traîne la patte encaisse. S’il compte juste, ils sont plus de cent autour de l’arène, massés sur deux ou trois rangs derrière un cercle aux limites fixées par douze galets blancs. Entre chaque pierre, un flambeau est piqué dans le sol. Douze fanaux dont six sont déjà éteints. À l’intérieur, n’entrent que les combattants et la mort. Au-delà, on trouve un peu de tout. Des hommes, des femmes, pas d’enfants, des riches qui s’encanaillent et se montrent aux bras des filles de joie, des pouilleux venus faire les poches aux premiers, ici et là, ceux que le sang excite, quelques prétendants au titre venus observer la technique des lutteurs, et aussi un lieutenant de Beltavolo, chargé d’espionner ce qui se trame. Noyé dans le nombre, un homme âgé, peut-être a-t-il cinquante ans, se distingue par son calme. Il tient fermement les pans d’une cape usée qui cache une tenue incongrue, puisqu’il s’agit d’une soutane. Mais personne ne s’y intéresse. Il y a le spectacle. Cette nuit, tous les chats sont gris. En s’approchant encore, en se glissant à ses côtés, en oubliant les cris, on entend qu’il murmure. Tout près, voici ce qu’on découvre : l’homme prie. Pour le salut de qui ?
    La hache se lève et s’abat plus vite que l’éclair. Un coup terrible, porté par Basile, quand à l’instant l’équarrisseur semblait prêt à se laisser mourir. On ne l’attendait plus, on ne l’espérait plus. D’autant que la ruse marche. Le bras d’en face ne s’est pas replié assez vite pour échapper au tranchant de la lame. La foule braille, s’excite, spécule. Cette fois, l’invincible est touché. Rompant gaillardement avec la prudence, Basile fait un pas pour achever le travail. La réplique arrive aussitôt. En face, le genou se plie, la jambe fléchit, l’assise est solide. Assez pour s’en servir d’appui et tendre ce bras qu’on croyait blessé. La lame entre dans le ventre de Basile, et se retire afin de mieux trancher son gras, ses muscles, ses viscères. Il souffre, crache, s’effondre. Aussitôt, un feutier vêtu d’une aube tel l’enfant de chœur se présente muni d’un éteignoir. Sans entrer dans le cercle, il étouffe une à une la flamme des flambeaux brillant encore, plongeant l’arène dans le noir, et dit : « Esprit du feu, accueille l’esprit de ce malheureux. » C’est fini pour l’équarrisseur.
    — Je le savais !
    Le voisin de l’homme en soutane qui priait a parié sur le masque de cuir et ne le regrette pas.
    — Seigneur, ayez pitié, chuchote celui qui, à coup sûr, est un prêtre.
    Mais on ne l’entend pas, on ne l’écoute pas, et plutôt que de chercher le vainqueur désormais invisible, on entoure le Tordu afin de toucher son gain. Ainsi, personne ne prête attention au religieux qui enfreint la règle et entre dans le cercle. Le sable de la piste et les cris des parieurs étouffent les pas de l’inconnu qui s’habitue à la pénombre, approche peu à peu et voit le vainqueur agenouillé, drapant le vaincu dans sa veste, un linceul maculé de sang.
    — Je t’ai prévenu. Je t’ai dit d’arrêter, glisse son bourreau au blessé. Si tu cesses de vivre, c’est par ta faute.
    *
    Dans l’arène, au temps lointain de Spartacus, le gladiateur de Rome plongeait son glaive dans la gorge de sa victime avant de lui percer le cœur. Et le prêtre croit comprendre ce qui va se produire.
    — Toussaint ! hurle-t-il.
    L’arme se fige. Un instant, elle faiblit. Puis reprend son élan.
    — Toussaint Delaforge !
    C’est la voix du dortoir, le ton du jour où l’enfant reçut le fouet.
    — Je t’en supplie… Pour l’amour de Dieu !
    Le masque se tourne, regarde la silhouette que dessine la lune.
    — Je te cherche depuis quatre ans, souffle le préfet de discipline du collège de Montcler. J’ai eu tant de mal à te retrouver.
    — Et moi, tout fait pour vous oublier, répond Delaforge.
    L’arme se lève encore. Elle va frapper.
    — Pour l’amour de Dieu… répète une dernière fois Calmés.
    Est-ce grâce à lui ou grâce aux cieux ? Peut-être aussi que la blessure au bras empêche Toussaint Delaforge de commettre l’irréparable. Car il renonce. Le bras retombe et, sous le masque, les traits se crispent, dénonçant la souffrance. Mais ce remue-ménage intrigue les parieurs, amassés autour du Tordu . D’habitude, le lutteur s’éclipse. Il discute ? Avec qui ? Sûrement pas

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