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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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détestait les questions, surtout quand on les posait à un individu armé, décidé à s’en servir. Dans les cas extrêmes, et il s’y trouvait mêlé, il se fiait à son nez pour juger la qualité des hommes. Ainsi, ce garçon se montrait pour le moins courageux. Téméraire, certes. Mais dangereux ? Il venait de dire qu’il ne lui voulait aucun mal, et ce pouvait être vrai. Tous deux en étaient là, se surveillant de loin, Raymond ressassant la scène du combat. Si l’effet de surprise expliquait la réussite totale de l’inconnu, le patron du Chapeau rouge savait combien le belliqueux possédait rarement la lucidité et le calme, vertus premières de l’art de tuer. Il ne fallait pas en manquer pour exécuter tour à tour, et dans la même action, un duo de victimes, puis affronter le témoin de ses crimes et, sans montrer la moindre émotion, lui promettre qu’il ne craignait rien. Pour une raison qu’il ne s’expliquait pas – peut-être à cause de ce nez sur lequel il comptait depuis soixante ans afin d’arrêter son jugement –, Raymond était attiré par le regard de l’inconnu, par son visage orné d’une cicatrice étrange et trop ancienne pour être l’œuvre d’un autre combat. La manière dont il avait triomphé laissait croire qu’il tenait le futur champion des arènes et, la seule façon de s’en assurer, était de ne pas le laisser filer, donc de ne pas crier au meurtre ou appeler au secours – procédés par ailleurs proscrits dans son établissement. À l’inverse de ceux que le sang effraie, Raymond de la Montagne n’avait aucunement paniqué, cherchant plutôt à retenir celui qui venait de produire la mort. Aussi, avait-il tranquillement fermé à double tour la porte du Chapeau rouge , puis retournant du même pas vers un tonneau de vin d’Anjou, évitant pour cela soigneusement les corps du borgne et du teigneux, avait-il rempli deux pichets et s’était-il avancé, les mains prises : donc, sans défense. Voilà qui voulait signifier qu’il appréciait cette compagnie, du moins qu’il n’en avait pas peur puisqu’il s’assit à une table, invitant son vis-à-vis à faire de même. Ce dernier hésita, ne sachant s’il devait se méfier ou accepter. Mais Raymond de la Montagne voulait discuter. « Pas loin, avait-il dit, il y a les arènes et tu n’as pas peur de te battre… » Ce premier jalon posé, l’autre n’avait pas fui. Raymond crut bon de s’aventurer. En somme, d’engager la conversation.
    — Mais d’abord, on va se débarrasser de ceux-là, avait-il grogné en jetant un regard oblique vers les deux refroidis.
    Raymond ne manquait pas de ressources. Le Chapeau rouge disposait en effet d’une cour et d’une sortie discrète donnant sur la rue Basse-des-Carmes, et servant à toutes sortes de trafics. L’enseigne excellait dans le recel de tableaux, de tapis, de sculptures, de livres de prières enluminés par les moines des abbayes, de bougeoirs argentés, de bijoux, et de statues aussi. Cette plaque tournante redirigeait les prises d’une bande de monte-en-l’air, jongleurs, trapézistes, acrobates des Carpates, réfugiés rue du Mont-Thabor, non loin de l’opulente rue Saint-Honoré. Voler consistait à escalader des murs, forcer des serrures, se glisser entre des barreaux tordus par Abakoum Batlowka, l’homme fort du quatuor, se déplacer en silence, remplir ses poches, repartir par le même chemin pour rejoindre fissa la piste d’un cirque ambulant afin d’accueillir une pluie d’applaudissements. Nika, le chef de la bande, occupait dans la vie civile le rôle de Mascarille 1 et de violoniste. Il s’était présenté la nuit même au Chapeau rouge à bord d’une charrette attelée à un Camarguais robuste et placide qui n’attirait pas le regard des mouches , les espions de la police royale. On charria les corps, puis direction la Seine. Chose faite, Raymond demanda à Toussaint s’il avait faim et ce dernier répondit que oui. Le tenancier proposa une poule au pot à la façon du bon roi Henri IV, et, tout en buvant le bouillon, dit, l’air de rien, qu’il disposait d’une pièce à l’étage et que, si l’austérité ne dérangeait pas l’invité, ce serait gratis , ainsi que les repas jusqu’au premier combat. Delaforge ne savait où aller, qu’avait-il à perdre ? Et savait-il faire autre chose que se battre ?
    — Tu n’auras pas besoin de tuer. Au premier sang, le combat peut s’arrêter.
    Raymond reposa son bol

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