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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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fermait, il se taisait. La vérité viendra un jour, disait-il avant de s’enfermer dans ses tourments.
    Avait-il d’autres obsessions à partager ? Raymond le sage attendait que l’âme se rouvre. Cela pouvait durer des semaines ou des mois. Quand, il y a trois jours, Delaforge a repris vie, s’est excité. Il a raconté son plan à propos d’Eva, cette silhouette que le tenancier voit passer dans l’escalier qui conduit à la petite chambre de Toussaint. La femme est-elle démon ? Le patron du Chapeau rouge s’en tient aux faits. Eva est la maîtresse de Beltavolo. Et ses caresses ne valent pas la somme colossale d’ennuis qui menacent Delaforge. Mais, dans cette caboche-ci, siège le silence ou l’entêtement ! Toussaint aurait trouvé le moyen de mettre fin à l’histoire du lutteur, et peut-être à celle de Ravort. Raymond croit plutôt qu’ils iront à la mort.

    Tout va mal, en effet, place de la Contrescarpe. Delaforge vient de croiser Ravort devant le Rat gris et soupçonne la traîtrise quand le boiteux baisse les yeux, se détourne et pénètre en claudiquant chez l’Irlandais . Qu’a-t-il raconté à Beltavolo pour exciter son intérêt ? Le plan consistait à proposer une partie de cartes dotée d’une mise formidable, mais de taire la véritable raison : la possession d’Eva. A-t-il tout divulgué, animé par l’intérêt et par la haine ? Rien ne serait plus logique, estime Toussaint, puisqu’il a annoncé au conciliatore du clan de la Bastille qu’il cessait de combattre. Qu’en somme, leur contrat était rompu. Et si le lutteur des arènes ne lui rapporte plus, pourquoi respecterait-il sa parole ? Traîne la patte sait à propos de la maîtresse sulfureuse. Ce matin encore, il a vu Eva sortir du Chapeau rouge . Il s’est gardé de réagir, mais a dû réfléchir, chercher ce que lui rapporterait l’information. Davantage que le lutteur qui n’en est plus un. Déchaîner Beltavolo ou se taire ? Delaforge n’a aucun mal à imaginer le boiteux livrant les détails les plus crus au maître du clan de la Contrescarpe. Si on y ajoute la vengeance, en souvenir de ce que lui a fait subir l’ancien collégien de Montcler, l’affaire est entendue : Judas l’a vendu à Beltavolo, négociant au prix fort ses révélations. Et si toutes ces suppositions sont vraies, Raymond a raison de s’évertuer depuis trois jours à expliquer qu’ils se jettent dans la gueule du loup. Mais Toussaint s’en félicite. Pour exciter Beltavolo, provoquer leur rencontre, le défier, il fallait une raison grave, intime, qui le touche, lui et son orgueil. Il n’y avait pas d’autre moyen de l’approcher d’aussi près afin de livrer un mano a la mano 2 , seul face à lui et à ses hommes. Et à Ravort qui y passera aussi. Delaforge a menti sur un point : cette nuit, il se battra encore une fois, mais qu’il triomphe ou perde, il s’agira de sa dernière représentation.
    À l’entrée du Rat gris , on le fouille à nouveau. Il lève les bras. Rien. Parfait, se dit-il, alors que la lame de son couteau rafraîchit sa blessure. L’arme est là, sous le bandage ensanglanté. Personne n’y pense, à l’exception du sage Raymond, inventeur du stratagème.

    La salle du Rat gris est pleine à craquer. On s’y presse pour voir le lutteur. Sous le feu des chandelles, sa jeunesse est encore plus éclatante. Le masque tombe en effet et le miracle dure car ce n’est pas le portrait d’un barbare, mais celui d’un jeune homme aux traits fins, soulignés par une cicatrice profonde ajoutant à l’envoûtement qui s’en dégage. Beltavolo est là. Il se tient debout, bras croisés, une miséricorde accrochée à la taille. Il porte une chemise blanche et, sur son torse dégagé, plastronne son tatouage : Morir per non morir… Il regarde, estime son ennemi et, malgré lui, ne peut s’empêcher de le trouver séduisant. Pour un peu, il comprendrait qu’Eva ait cédé à l’attirance d’une bouche si bien dessinée. Et pour cela aussi, il le hait davantage. L’autre mourra, cette nuit.
    — Avance ! lance-t-il en y joignant un sourire ravageur. J’ai tant de hâte à connaître le lutteur des arènes…
    Mais ses bras ne se décroisent pas, sa main ne se tend pas :
    — Depuis combien de temps te bats-tu ? Trois, quatre ans ? Et pas encore mort. Tout ce temps à vivre l’un à côté de l’autre, et toute cette amitié que nous aurions pu faire fructifier. Oui, j’aurais regretté de ne pas te

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