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Un jour, je serai Roi

Un jour, je serai Roi

Titel: Un jour, je serai Roi Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Michel Riou
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    — Tu recevras dix livres par combat. Vingt si tu l’emportes.
    — Et toi, que gagneras-tu ?
    — Un dixième de tes gains. Les repas et le lit sont compris.
    Il s’essuya la bouche sur la manche :
    — Ça comprend aussi les soins. Dans le cas où tu serais blessé…
    Il déglutit avant d’ajouter :
    — Si tu meurs, ton pécule sera porté à la personne que tu me désigneras. J’en fais le serment.
    — Il n’y aura aucun nom, répondit Delaforge aussitôt.
    — Personne ?
    La jeune recrue ne fit que détourner le regard.
    Bien, se dit Raymond de la Montagne. Ni père ni mère, ni frère ou sœur et pas même une amie… Le portrait idéal du mercenaire.
    — Avec quelle arme te battras-tu ?
    Delaforge montra son couteau.
    — Il te faudra être agile et rapide. Mais je t’ai vu à l’œuvre.
    Alors il servit une gnole du pays d’Oc, un cru de l’Armagnac, et parla de son idée :
    — Ton regard est trop franc. Il te faut un masque.
    Delaforge y vit le moyen de se dissimuler. Il écouta la suite.
    — Quand tu te bats au couteau, ton visage ne doit pas montrer ce que tu as décidé, dit-il pour la première fois, ce qu’il ne cessa jamais de répéter par la suite. Si tu serres la mâchoire, en face, on sait que tu vas frapper.
    Raymond ramassa les bols :
    — Je vais te montrer ta chambre.

    Quatre années plus tard, l’ancien galérien de Marseille ne sait pas vraiment à qui il a affaire, mais il s’est lié d’amitié avec ce garçon rongé par une torture intérieure. C’est si vrai qu’il lui a conseillé de cesser de combattre. Car cette fois, Raymond de la Montagne a peur. Il maudit le choix de Ravort, chargé d’encaisser les paris. Ce n’est pas qu’il se sente trahi d’avoir perdu la place, mais le bancal est fourbe et les adversaires qu’il choisit sont de plus en plus coriaces, au motif que le spectacle exigerait de faire monter les enchères. Raymond sait que le sale éclopé exerce un chantage, qu’il tient l’invincible et qu’éliminer ce sournois ne mettrait pas fin à la menace puisque le lutteur des arènes serait aussitôt dénoncé à Montcler grâce aux bons offices du clan de la Bastille.
    La confidence est venue un soir où le patron du Chapeau rouge pestait plus que d’habitude. Pourquoi se soumettre au boiteux ? avait-il demandé à Toussaint. Raymond avait d’autres idées que celle de faire couler le sang aux arènes. On y mettait fin ; l’invincible rangeait son couteau ; il y avait assez d’argent amassé – il pouvait l’affirmer mieux qu’un autre puisqu’il conservait les gains de Delaforge. Une belle affaire était même en vente, non loin du Louvre, près de la maison du Grand-Coq de Théophraste Renaudot, une rôtisserie où les conseillers du Parlement se donnaient rendez-vous. Et lui cherchait un futur associé. Pourquoi ne pas s’entendre ?
    C’était comme s’accorder, et si nouveau pour l’orphelin. Si bien que – cela ne vint pas d’un coup – le chien enragé s’adoucit, s’apaisa, se livra peu à peu parce qu’il se sentait en confiance. La vie du collège surgit, les années de silence, la volonté farouche de détruire ce monde qui lui avait enseigné Virgile in extenso et caché la vérité sur sa naissance. Tout ou presque était sorti, y compris Ravort qui avait payé pour les autres, et lui faisait payer depuis. Ainsi le voile se soulevait peu à peu.
    Au fil des retours de combats, tandis que la pression retombait et que Raymond de la Montagne pansait les plaies, les souvenirs se montraient, parfois sans prévenir. Un soir, Delaforge avoua avoir aimé une jeune fille, Aurore, avant de mesurer ce qui séparait un orphelin de son monde. Un autre, il ajouta qu’il se battait en ne pensant qu’à tuer le frère de cette jeune fille noble, et qu’il le ferait. Détruire… Voilà le seul enseignement qu’il gardait de ses années au collège de Montcler. Et combien ses rêves où il se voyait bâtir et démolir selon ses vœux s’étaient évanouis ! Il évoqua Hélène, la lavandière du Pont-Neuf, il cita le nom de Marolles, son parrain, quand Raymond pensait qu’il n’avait aucune famille, aucun lien. Pourquoi serrait-il les mâchoires lorsqu’il parlait de ce jésuite ? Oui, qui était ce jeune homme refusant d’accepter que sa mère fût putain et croyant à l’existence d’un père vivant dans le sérail de la famille La Place ? Imaginait-il qu’il s’agissait du marquis lui-même ? Son regard se

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