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Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
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ensemble, assis côte à côte, par terre, dans la cour de la prison, pendant que nous cousions ou que nous raccommodions des sacs postaux. J’avais toujours respecté Sobukwe et je le trouvais équilibré et raisonnable. Mais nous différions entièrement sur un sujet essentiel   : les conditions de vie en prison. Il croyait que nous battre à ce sujet revenait à reconnaître à l’Etat le droit de nous garder enfermés. Je lui répondais qu’il était toujours inacceptable de vivre dans des conditions dégradantes et que, dans l’histoire, les prisonniers politiques avaient considéré comme leur devoir de lutter pour les améliorer. Sobukwe pensait que les conditions de vie en prison resteraient les mêmes tant que le pays ne changerait pas. J’étais entièrement d’accord mais je ne voyais pas pourquoi cela devait nous empêcher de lutter dans le seul domaine où nous pouvions le faire maintenant. Nous n’avons jamais résolu ce différend, mais nous avons fait des progrès quand nous avons adressé une lettre commune à l’officier commandant la prison pour lui exposer nos doléances.
    Sobukwe n’a jamais craqué en prison. Mais à Pretoria, il était un peu sensible et sur les nerfs, et j’attribuais cela à Stephen Tefu. Ce dernier était devenu une sorte d’aiguillon pour Sobukwe. Il l’excitait, se moquait de lui et le provoquait. Même aux meilleurs moments, Tefu était un type difficile   : mélancolique, raisonneur, arrogant. Mais en même temps, il savait parler, était bien informé et connaissait parfaitement l’histoire de la Russie. C’était avant tout un combattant, mais il s’opposait à tout le monde, même à ses amis. Tefu et Sobukwe se querellaient chaque jour.
    J’aimais beaucoup parler politique avec Robert Sobukwe et je l’interrogeai sur le slogan du PAC   : « La liberté en 1963   ». Nous étions déjà en 1963 et il n’y avait de liberté nulle part. « Mon frère, lui dis-je, il n’y a rien d’aussi dangereux qu’un leader qui formule une demande qu’il sait inaccessible. Cela crée de faux espoirs dans le peuple. »
    J’avais dit ça de façon très respectueuse, mais Tefu intervint et commença à faire des reproches à Sobukwe. « Bob, lui dit-il, tu as trouvé à qui parler avec Mandela. Tu sais qu’il a raison. » Tefu continua dans la même veine, en agaçant Sobukwe jusqu’à ce que ce dernier lui réponde   : « Laisse-moi tranquille. » Mais Tefu ne s’arrêta pas. « Bob, des gens t’attendent. Ils vont te tuer parce que tu les as trompés. Tu n’es qu’un amateur. Tu n’es pas un véritable homme politique. »
    Tefu cherchait aussi à m’asticoter. Chaque matin, quand les gardiens venaient nous voir, il se plaignait toujours de quelque chose –   la nourriture, la chaleur ou le froid. Un jour, un gardien lui dit   : « Ecoute, vieux, pourquoi est-ce que tu te plains chaque matin   ?
    —  Je me plains parce que c’est mon devoir de me plaindre, répondit Steve.
    —  Regarde Mandela, lui dit le gardien, il ne se plaint pas tous les jours.
    —  Ah, dit Tefu, Mandela est un petit garçon qui a peur des Blancs. Je ne sais même pas d’où il sort. Un matin, je me suis réveillé, et j’ai vu que tous les journaux disaient   : Mandela, Mandela, Mandela. Et je me suis demandé   : Qui c’est Mandela   ? Eh bien, je vais te dire qui c’est Mandela. C’est un type que vous avez fabriqué de toutes pièces, vous les Blancs, pour une raison que je ne comprends pas. Voilà qui c’est Mandela   ! »
     
    Quinze jours plus tard, Walter est venu nous rejoindre. Le tribunal de Johannesburg l’avait jugé pour incitation à la grève pendant que je me trouvais à Pretoria. On l’avait condamné à six ans de prison. Nous avons eu un certain nombre d’occasions de parler en prison, en particulier de sa demande de mise en liberté sous caution dans l’attente du jugement en appel, quelque chose que je soutenais de tout cœur. Au bout de quinze jours, il a été libéré sous caution et le mouvement lui a donné l’ordre de passer dans la clandestinité, d’où il continuerait à diriger la lutte, ce qu’il fit avec efficacité.
    Peu de temps après le départ de Walter, j’allais à l’hôpital de la prison avec Sobukwe quand j’ai aperçu Nana Cita dans la cour, à une trentaine de mètres. C’était le volontaire indien qui avait dirigé la Campagne de défi, en 1952, à Boksburg. Un juge de Pretoria venait de

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