Un long chemin vers la liberte
pouvait faire autrement que s’opposer à la loi et en subir les conséquences. De même pour moi. De même pour beaucoup d’Africains de ce pays. La loi telle qu’elle est appliquée, la loi telle qu’elle s’est développée au cours d’une longue période historique, et en particulier la loi telle qu’elle est rédigée et conçue par le gouvernement nationaliste, est une loi qui, d’après nos conceptions, est immorale, injuste et intolérable. Notre conscience nous dit que nous devons protester contre elle, que nous devons nous opposer à elle et que nous devons essayer de la changer. Je pense que les hommes ne peuvent rester sans rien faire, sans rien dire, sans réagir devant l’injustice, qu’ils ne peuvent rester sans protester devant l’oppression, sans essayer de réaliser une société et une vie correctes comme ils les envisagent.
J’ai rappelé en détail les nombreuses fois où le gouvernement avait utilisé la loi pour faire obstacle à ma vie, à ma carrière et à mon travail politique avec des interdictions, des limitations et des procès.
La loi a fait de moi un criminel non pas à cause de ce que j’ai fait mais à cause de ce que je défendais, de ce que je pensais, à cause de ma conscience. Peut-on s’étonner que de telles conditions fassent d’un homme un hors-la-loi ? Peut-on s’étonner qu’un tel homme, ayant été mis hors la loi par le gouvernement, soit prêt à mener une vie de hors-la-loi, comme celle que j’ai menée pendant quelques mois d’après les preuves apportées devant cette cour ?
Pendant la dernière période, il ne m’a pas été facile de me séparer de ma femme et de mes enfants, de dire au revoir au bon vieux temps quand, à la fin d’une journée épuisante au bureau, je rejoignais ma famille à la table du dîner et, à la place, de mener l’existence épuisante d’un homme continuellement chassé par la police, de vivre séparé de ceux qui me sont le plus proches, dans mon propre pays, exposé chaque instant aux hasards d’être découvert et arrêté. Mener cette vie a été infiniment plus difficile que de purger une peine de prison. Aucun homme sensé ne choisirait volontairement de mener ce genre de vie plutôt qu’une vie familiale, sociale, normale qui existe dans toute communauté.
Mais il vient un moment où, comme dans ma vie, on nie à un homme le droit de mener une existence normale, où il ne peut mener qu’une existence de hors-la-loi parce que le gouvernement a décidé d’utiliser la loi pour lui imposer cet état. J’ai été conduit à cette situation, et je ne regrette pas d’avoir pris les décisions que j’ai prises. D’autres gens seront conduits dans ce pays, par ces mêmes forces de répression policière et par l’action administrative du gouvernement, à suivre le chemin que j’ai pris, de cela je suis sûr.
J’ai énuméré les nombreuses fois où nous avions présenté nos doléances au gouvernement et le nombre égal de fois où nous avions été ignorés ou repoussés. J’ai décrit la grève à domicile de 1961 comme un dernier recours après le refus du gouvernement de faire un geste soit pour parler avec nous soit pour écouter nos demandes. C’était le gouvernement qui provoquait la violence, en utilisant la violence pour répondre à nos demandes non violentes. J’ai expliqué que c’était à cause des actions du gouvernement que nous avions choisi de prendre une voie plus militante. J’ai dit que, tout au long de ma vie politique, j’avais eu le privilège de combattre avec des compagnons dont les capacités et les contributions étaient bien plus importantes que les miennes. Beaucoup d’autres avant moi avaient payé le prix de leurs convictions et beaucoup d’autres le feraient encore après moi.
Avant d’entendre le verdict, j’ai informé la cour que, quelle que soit la sentence, cela ne changerait rien à mon engagement envers la lutte.
Monsieur le président, je ne crois pas que cette cour, en m’infligeant des sanctions pour les crimes dont je suis accusé, doive penser que ces sanctions vont détourner des hommes de la voie qu’ils croient juste. L’histoire montre que les sanctions pénales ne détournent pas les hommes quand leur conscience est éveillée, comme elles ne détourneront pas mon peuple ou les compagnons avec qui j’ai travaillé, de la voie qu’ils ont choisie.
Je suis prêt à subir votre sanction, même si je connais la
Weitere Kostenlose Bücher