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Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
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situation dure et désespérée d’un Africain dans les prisons de ce pays. J’y suis allé et je connais la brutalité de la discrimination, même derrière les murs de la prison, envers les Africains. Cependant, ces considérations ne me font pas hésiter devant la voie que j’ai choisie pas plus qu’elles n’en feront hésiter d’autres. Pour eux, la liberté dans leur propre pays est le sommet de leurs ambitions, et personne ne peut en détourner des hommes de conviction. Plus puissante que ma peur des conditions terribles auxquelles je serai peut-être soumis en prison, il y a ma haine des conditions terribles auxquelles est soumis mon peuple dans la prison qu’est ce pays. […]
    Quelle que soit la sentence que vous jugerez bon de m’infliger pour le crime dont j’ai été reconnu coupable devant cette cour, je serai toujours animé, comme les hommes le sont toujours, par ma conscience   ; je serai toujours animé par ma haine de la discrimination raciale à l’égard de mon peuple, quand j’aurai fini de purger ma peine, pour reprendre du mieux que je le pourrai la lutte pour la suppression de ces injustices jusqu’à ce qu’elles soient finalement abolies une fois pour toutes. […] J’ai fait mon devoir envers mon peuple et envers l’Afrique du Sud. Je ne doute pas que la postérité dira que j’étais innocent et que les criminels qu’on aurait dû amener devant ce tribunal sont les membres du gouvernement.
     
    Quand j ’ eus fini, le juge ordonna une suspension de dix minutes pour délibérer. Je me suis retourné et j ’ ai regardé la foule avant de sortir. Je ne me faisais aucune illusion sur ma condamnation. Dix minutes plus tard exactement, dans le tribunal tendu par l ’ émotion, le juge prononça la sentence   : trois ans de prison pour avoir incité les gens à faire grève et deux ans pour avoir quitté le pays sans passeport   ; cinq ans en tout, sans possibilité d ’ appel. C ’ était une sanction sévère et il y eut des pleurs dans la salle. Quand la cour s ’ est levée, je me suis tourné vers la foule et j ’ ai de nouveau levé le poing en criant « Amandla   ! » trois fois. Puis, de lui-même le public s ’ est mis à chanter notre hymne magnifique, Nkosi Sikelel ’ iAfrika. Les gens chantaient et dansaient, les femmes poussaient des youyous tandis qu ’ on m ’ emmenait. Pendant un instant, le vacarme de la salle me fit oublier que j ’ allais en prison purger la peine la plus dure jamais infligée en Afrique du Sud pour raison politique.
    En bas, on m ’ a autorisé à dire rapidement adieu à Winnie, qui n ’ était absolument pas triste   : elle souriait et ne versait pas de larmes. Elle semblait confiante, et avait autant l ’ air d ’ une camarade que d ’ une épouse. Elle voulait me donner du courage. Tandis que les policiers m ’ entraînaient dans le fourgon cellulaire, j ’ entendais les gens à l ’ extérieur qui chantaient Nkosi Sikelel ’ iAfrica.
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    La prison ne vous vole pas seulement votre liberté, elle essaie aussi de vous déposséder de votre identité. Chacun porte le même uniforme, mange la même nourriture, suit le même emploi du temps. C ’ est par définition un état purement autoritaire qui ne tolère ni indépendance ni individualité. En tant que combattant de la liberté et en tant qu ’ homme, on doit lutter contre la tentative de la prison de vous dépouiller de ces qualités.
    Du tribunal, on m ’ a conduit directement à Pretoria Local, la sinistre monstruosité de brique rouge que je connaissais si bien. Maintenant je n ’ étais plus un détenu provisoire en attente de procès mais un condamné, et l ’ on m ’ a traité sans même cette petite déférence qu ’ on m ’ accordait avant. On m ’ a enlevé mes vêtements et le colonel Jacobs a pu enfin me confisquer mon kaross. Puis on m ’ a donné le costume réservé aux Africains   : un short, une chemise kaki, une veste de toile, des chaussettes, des sandales et une casquette de tissu. Seuls les Africains avaient un short car les autorités les considéraient comme des « boys {18}   ».
    J’ai informé les autorités qu’en aucun cas je ne porterais de short et je leur ai dit que j’étais prêt à aller au tribunal pour protester. Plus tard, quand on m’a apporté le repas du soir, une bouillie froide et dure, avec une cuillerée de sucre, j’ai refusé de manger. Le colonel Jacobs a réfléchi et m’a proposé une solution

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