Un long chemin vers la liberte
générale j ’ essayais de parler avec Kathy ou Eddie Daniels, ou quelqu ’ un qui n ’ était pas xhosa.
Par la suite, nous avons décidé qu’il y aurait un cinquième membre tournant dans le Haut Commandement. En général, nous ne choisissions pas un Xhosa ; Kathy, par exemple, appartint au Haut Commandement pendant plus de cinq ans, ou Laloo Chiba. A la fin, la critique mourut de sa belle mort.
Je ne dominais absolument pas le Haut Commandement, et en fait un certain nombre de propositions auxquelles je tenais beaucoup furent rejetées. C’était normal, mais parfois cela m’énervait. Il est ainsi deux questions concernant les autorités sur lesquelles je n’ai jamais réussi à convaincre mes collègues. Le règlement de la prison spécifiait que les prisonniers devaient se lever en présence d’un officier. Je soutenais que nous aurions dû pouvoir rester assis car c’était humiliant de devoir reconnaître l’ennemi alors qu’il ne nous reconnaissait pas en tant que prisonniers politiques. Mes camarades pensaient qu’il s’agissait d’une question sans importance et que les conséquences négatives d’une résistance auraient dépassé de loin les bénéfices éventuels.
Le Haut Commandement rejeta ma seconde proposition pour des raisons analogues. Les gardiens nous appelaient par nos noms ou nos prénoms chrétiens. Je ressentais cela comme dégradant et je pensais que nous aurions dû insister pour qu’on nous appelle « Monsieur ». Je revins à la charge pendant des années, sans succès. Plus tard, cela devint même une sorte de plaisanterie et mes camarades m’appelaient parfois « Monsieur » Mandela.
70
Le temps pouvait sembler s ’ être arrêté pour nous mais pas pour ceux qui se trouvaient à l ’ extérieur. Je m ’ en suis souvenu quand ma mère m ’ a rendu visite au printemps 1968. Je ne l ’ avais pas vue depuis la fin du procès de Rivonia. Le changement se produit de façon régulière et par accumulation et, quand on vit dans sa famille, on remarque rarement les différences. Mais quand on ne voit pas les siens pendant de nombreuses années, la transformation peut être frappante. Brusquement, ma mère me sembla très vieille.
Elle avait fait le voyage depuis le Transkei accompagnée par mon fils Makgatho, ma fille Makaziwe et ma sœur Mabel. Comme mes quatre visiteurs venaient de très loin, les autorités étendirent les trente minutes de la visite à quarante-cinq.
Je n’avais pas vu mon fils et ma fille depuis le procès et ils étaient devenus des adultes et avaient grandi sans moi. Je les regardais avec stupéfaction et orgueil. Mais ils avaient beau être devenus adultes, j’ai peur de les avoir plus ou moins traités comme les enfants qu’ils étaient encore à mon entrée en prison. Ils avaient peut-être changé mais pas moi.
Ma mère avait beaucoup maigri et avait un visage décharné. Seule ma sœur Mabel semblait ne pas avoir changé. J’étais très heureux de les voir et de parler de la famille avec eux mais l’état de santé de ma mère m’inquiétait.
J’expliquai à Makgatho et à Maki mon désir de les voir poursuivre leurs études et j’interrogeai Mabel sur nos parents du Transkei. Le temps passa trop vite. Le plus grand plaisir d’une visite, on l’éprouve quand on s’en souvient ; mais je m’inquiétais pour ma mère. J’avais peur de l’avoir vue pour la dernière fois.
Quelques semaines plus tard, en rentrant de la carrière, on m’a dit d’aller chercher un télégramme au bureau du directeur. Makgatho m’informait que ma mère était morte d’une crise cardiaque. J’ai immédiatement déposé une demande pour pouvoir assister à l’enterrement, mais le commandant l’a rejetée. « Mandela, m’a-t-il dit, je sais que vous êtes un homme de parole et que vous n’essaierez pas de vous enfuir, mais je n’ai pas confiance dans vos partisans et nous avons peur qu’ils cherchent à vous enlever. » Le fait que je ne puisse pas enterrer ma mère, ce dont j’étais responsable en tant qu’aîné et seul garçon, ne fit qu’ajouter à mon chagrin.
Au cours des mois suivants, j’ai beaucoup pensé à ma mère. Elle n’avait pas eu une vie facile. J’avais pu l’aider quand j’avais exercé comme avocat, mais plus après qu’on m’eut mis en prison. Je n’avais pas été suffisamment attentif.
La mort de sa mère amène chaque homme à se retourner sur son passé et à faire le bilan de
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