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Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
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services et, si le prêtre s’éloignait de la religion, on ne le revoyait plus.
    Pendant les deux premières années sur l’île, nous n’avions même pas le droit de quitter nos cellules pour le service du dimanche. Le pasteur prêchait au bout du couloir. Pendant la troisième année, les services avaient lieu dans la cour, ce que nous préférions. A cette époque, c’était le seul moment où nous avions le droit de sortir le dimanche, en dehors d’une demi-heure d’exercice. Peu d’entre nous avaient des sentiments religieux, mais personne ne se plaignait des longs sermons   ; nous aimions nous trouver à l’extérieur.
    Quand les services se sont tenus dans la cour, on nous a donné le choix d’y assister ou non. Certains ne suivaient que les services de leur Eglise. Bien que méthodiste, j’y allais tous les dimanches.
     
    Un des premiers pasteurs fut un anglican, le père Hughes, un Gallois bourru et costaud, qui avait servi comme aumônier dans un corps de sous-mariniers au cours de la Seconde Guerre mondiale. La première fois qu’il vint, l’obligation de prêcher dans le couloir le troubla, il trouva cela contraire à la contemplation de Dieu. Au lieu de nous faire un sermon, il lut d’une belle voix de baryton des passages des messages radio de Winston Churchill de l’époque de la guerre   : « Nous nous battrons sur les plages, nous nous battrons sur les terrains d’atterrissage, nous nous battrons dans les champs et dans les rues, nous nous battrons dans les collines   ; nous ne nous rendrons jamais. »
    Le père Hughes officia bientôt dans la cour et nous trouvions ses sermons remarquables. Il s’efforçait aussi d’y insérer de petits éléments extérieurs, que nous appréciions beaucoup. Par exemple, il pouvait dire que, comme le pharaon d’Egypte, le Premier ministre d’Afrique du Sud levait une armée.
    Nous chantions des cantiques à la fin du service et je pense que le père Hughes nous rendait visite pour le plaisir de nous entendre chanter. Il apportait un petit orgue et jouait pour nous. Il aimait beaucoup notre façon de chanter et nous disait qu’on pouvait la comparer à celle de son pays de Galles natal.
    Le pasteur méthodiste était le révérend Jones, un homme sombre et inquiet qui se trouvait au Congo pendant la révolution. Cette expérience semblait être la source de sa mélancolie. Dans ses sermons, il ne cessait de nous parler de l’importance de la réconciliation –   ce qui impliquait que nous devions nous réconcilier avec les Blancs.
    Un dimanche, pendant le sermon partisan du révérend Jones, j’ai remarqué qu’Eddie Daniels semblait mal à l’aise. A la fin, il n’a pas pu se retenir   : « Ce n’est pas à nous qu’il faut prêcher la réconciliation, a crié Eddie. Cela fait soixante-quinze ans que nous la recherchons. » Ce fut trop pour le révérend, et nous ne l’avons jamais revu.
    Eddie n ’ a pas chassé que le révérend Jones. Nous recevions aussi la visite d ’ un pasteur métis, le frère September. Un dimanche, un prisonnier du nom d ’ Hennie Ferris, un bon orateur, accepta de diriger la prière. Le frère September était content de rencontrer une telle dévotion. Hennie commença à parler à voix haute puis il demanda à l ’ assemblée de fermer les yeux et de prier. Tout le monde, y compris frère September, obéit. Alors Eddie alla jusqu ’ au premier rang sur la pointe des pieds, ouvrit la serviette du père September et y prit le Sunday Times du jour. Personne ne s ’ aperçut de rien, mais le pasteur ne rapporta jamais de journal.
     
    Le révérend André Scheffer était pasteur de l ’ Eglise réformée hollandaise, à laquelle appartenaient presque tous les Afrikaners. L ’ église de la mission ne s ’ adressait qu ’ aux Africains. Le révérend Scheffer était un conservateur brutal qui ne faisait de prêches qu ’ aux prisonniers de la section générale. Un dimanche, il s ’ aventura dans notre section et nous lui demandâmes pourquoi il ne venait jamais chez nous. « Vous vous prenez pour des combattants de la liberté, répondit-il d ’ un ton méprisant. Vous deviez être saouls d ’ alcool ou défoncés par la dagga (marijuana) quand on vous a arrêtés. Combattants de la liberté, mon œil   ! » Mais nous l ’ avons mis au défi de venir prêcher dans notre section et il a finalement accepté à la fin des années 60.
    Il avait quelque chose de peu orthodoxe   : une

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