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Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
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appelait La Marque de Zorro, avec le bravache Douglas Fairbanks, un film de 1920. Les autorités semblaient avoir un faible pour les films historiques, en particulier ceux qui étaient porteurs d ’ une morale sévère. Parmi les premiers que nous avons vus –   maintenant parlants et en couleurs  – , il y avait Les Dix Commandements avec Charlton Heston dans le rôle de Moïse, Le Roi et moi avec Yul Brynner et Cléopâtre avec Richard Burton et Elizabeth Taylor.
    Nous avons été très intéressés par Le Roi et moi qui, pour nous, décrivait le heurt entre les valeurs de l ’ Orient et celles de l ’ Occident, et qui nous semblait laisser entendre que l ’ Occident avait beaucoup de choses à apprendre de l ’ Orient. Cléopâtre prêtait à controverse   ; beaucoup de mes camarades s ’ offusquaient que la reine d ’ Egypte fût représentée par une actrice américaine aux cheveux noir de jais et aux yeux violets, même s ’ ils la trouvaient belle. Les détracteurs affirmaient que ce film était un exemple de la propagande occidentale qui cherchait à dissimuler le fait que Cléopâtre était une Africaine. Je racontai que pendant mon voyage en Egypte, j ’ avais vu une splendide sculpture d ’ une Cléopâtre jeune à la peau d ’ un noir d ’ ébène.
    Ensuite, nous avons vu des films sud-africains avec des vedettes noires que nous connaissions toutes d ’ autrefois. Ces soirs-là, notre petit cinéma de fortune résonnait des cris, des sifflets et des rires qui saluaient l ’ apparition d ’ un vieil ami sur l ’ écran. Plus tard, on nous a autorisés à choisir des documentaires –   le genre de films que je préférais  – et j ’ ai commencé à ne plus voir les films de fiction. (Mais pour rien au monde je n ’ aurais raté un film avec Sophia Loren.) Les documentaires venaient de la bibliothèque, et c ’ était Ahmed Kathrada, notre bibliothécaire, qui les choisissait. J ’ ai été particulièrement touché par un film sur les grandes batailles navales de la Seconde Guerre mondiale, qui montrait un document d ’ actualité sur le naufrage du H.M.S. Prince of Wales par les Japonais. Ce qui m ’ a le plus ému, c ’ est une brève image de Winston Churchill en train de pleurer après avoir appris la perte du navire britannique. J ’ ai gardé cette image en mémoire pendant longtemps   : elle m ’ a enseigné qu ’ un responsable peut parfois montrer son chagrin en public et que cela ne le diminue pas aux yeux de son peuple.
     
    Un des documentaires que nous avons vus avait trait à un groupe de motards très controversé, les Hell’s Angels. Ce film montrait les Hell’s Angels casse-cou, violents et antisociaux et la police correcte, intègre et digne de confiance. Dès la fin du film, nous avons commencé à discuter de sa signification. Presque sans exception, les détenus critiquaient les Hell’s Angels pour leur conduite anarchique. Mais Strini Moodley, jeune et brillant membre de la Conscience noire, s’est levé et a accusé le groupe d’avoir perdu contact avec la réalité, parce que, selon lui, les motards représentaient l’équivalent des étudiants de Soweto de 1976, qui s’étaient révoltés contre les autorités. Il nous a reproché d’être de vieux intellectuels bourgeois qui s’identifiaient aux autorités de droite du film et non aux motards.
    Les accusations de Strini ont déclenché un mouvement de colère et beaucoup se sont levés pour lui répondre, en disant que les Hell’s Angels étaient indéfendables et que c’était une insulte que de comparer notre lutte avec cette bande d’asociaux immoraux. Mais j’ai réfléchi à ce qu’avait dit Strini et, tout en n’étant pas d’accord avec lui, j’ai pris sa défense. Même si l’on ne trouvait pas les Hell’s Angels sympathiques, ils n’en restaient pas moins des rebelles devant les autorités.
    Les Hell’s Angels ne m’intéressaient pas, mais la question plus vaste qui me concernait c’était de savoir si, comme l’avait dit Strini, notre pensée n’était plus révolutionnaire. Nous nous trouvions en prison depuis plus de quinze ans   ; moi-même depuis près de dix-huit ans. Le monde que nous avions quitté n’existait plus depuis longtemps. Le danger, c’était que nos idées se soient figées. La prison est un point fixe dans un monde qui tourne et, en prison, il est très facile de rester à la même place pendant que le monde continue à

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