Un long chemin vers la liberte
et démocratique. C’était ce qu’il restait à accomplir.
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Peu de gens se souviendront de la date du 3 juin 1993, et pourtant ce fut un tournant dans l ’ histoire de l ’ Afrique du Sud. Ce jour-là, après des mois de négociations au World Trade Center, le forum multiparti décida d ’ une date pour les premières élections nationales, non raciales, « une personne, une voix » : le 27 avril 1994. Pour la première fois dans l ’ histoire de l ’ Afrique du Sud, la majorité noire irait aux urnes pour élire ses responsables. D ’ après les accords, la population élirait quatre cents représentants à l ’ assemblée constituante, qui rédigerait une nouvelle constitution et jouerait le rôle de parlement. Sa première tâche serait l ’ élection d ’ un président.
Les pourparlers avaient repris en avril. Cette fois, les vingt-six partis comprenaient l’Inkatha, le Pan Africanist Congress et le Parti conservateur. Nous pressions le gouvernement depuis des mois pour fixer une date, et il cherchait à gagner du temps. Mais maintenant cette date était gravée dans la pierre.
Un mois plus tard, en juillet, le forum multiparti accepta un premier projet de constitution intérimaire. Il prévoyait un parlement bicaméral, avec une assemblée nationale de quatre cents membres élus à la représentation proportionnelle sur des listes nationales et régionales de partis politiques, et un sénat élu au suffrage indirect par les assemblées régionales. Les assemblées régionales seraient désignées au terme d’élections qui auraient lieu en même temps que les élections nationales, et elles pourraient rédiger leur propre constitution en accord avec la constitution nationale.
Le chef Buthelezi voulait une constitution rédigée avant les élections et il quitta la salle pour protester contre le fait que la date de l ’ élection était fixée avant l ’ acceptation d ’ une constitution. En août, un second projet de constitution intérimaire donnait de plus grands pouvoirs aux régions, mais ceci n ’ apaisa ni le chef Buthelezi ni le Parti conservateur. Ce dernier décrivait les décisions comme contraires aux intérêts des Afrikaners. Un groupe, l ’ Afrikaner Volksfront, conduit par le général Constand VilJoen, ancien chef des forces de défense sud-africaines, fut constitué pour unir les organisations blanches conservatrices autour de l ’ idée de volkstaat, un homeland blanc.
Le 18 novembre, à minuit, la constitution intérimaire fut approuvée par la session plénière de la conférence multipartite. Le gouvernement et l’ANC avaient surmonté les derniers obstacles. Le nouveau gouvernement serait composé par ceux qui remporteraient plus de 5 % des suffrages et il prendrait des décisions par consensus, plutôt qu’avec une majorité des deux tiers comme le proposait le gouvernement ; les élections nationales n’auraient pas lieu avant 1999, pour que le gouvernement d’unité nationale puisse diriger le pays pendant cinq ans ; et finalement, sur notre insistance, le gouvernement accepta un seul bulletin de vote pour l’élection plutôt que des bulletins séparés pour les assemblées nationale et régionales. Deux bulletins de vote n’auraient fait que créer la confusion parmi les électeurs, dont la plupart votaient pour la première fois de leur vie. Dans la période précédant l’élection, un Conseil de direction de transition, composé de membres de chaque parti, assurerait un climat favorable pour les élections. Ce conseil servirait également de gouvernement entre le 22 décembre et l’élection du 27 avril. Une commission électorale indépendante, avec de larges pouvoirs, serait responsable de l’organisation des élections. Nous étions vraiment au seuil d’une nouvelle ère.
Je n’ai jamais accordé beaucoup d’attention aux récompenses personnelles. On ne devient pas combattant de la liberté en espérant remporter des récompenses, mais quand on m’a fait savoir qu’on m’avait attribué le prix Nobel de la paix 1993, conjointement avec Mr. De Klerk, j’ai été profondément bouleversé. Pour moi, le prix Nobel avait une signification particulière à cause de son implication dans l’histoire de l’Afrique du Sud.
J’étais le troisième Sud-Africain depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale à être honoré par le comité Nobel. Le chef Albert Luthuli l’avait été en 1960. Le deuxième avait été
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