Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un long chemin vers la liberte

Un long chemin vers la liberte

Titel: Un long chemin vers la liberte Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Nelson Mandela
Vom Netzwerk:
je venais de le dire. A ce moment-là, j ’ ai entonné un chant de liberté dont les paroles disaient   : « Voici nos ennemis, prenons les armes, attaquons-les. » Je chantais et la foule s ’ est jointe à moi et, à la fin, j ’ ai montré la police et j ’ ai dit   : « Regardez, les voici, nos ennemis   ! »La foule a recommencé à crier des hourras et a fait des gestes agressifs en direction des policiers. Ces derniers étaient inquiets et beaucoup me désignaient du doigt comme pour me dire   : « Mandela, tu vas nous le payer   ! » Ça m ’ était égal. Dans la chaleur du moment, je ne pensais pas aux conséquences.
    Mais ce que j ’ avais dit ce soir-là ne tombait pas du ciel. J ’ avais pensé à l ’ avenir. Le gouvernement ne cessait de prendre des mesures pour que des choses comme la Campagne de défi ne se reproduisent pas. J ’ avais commencé à analyser la lutte dans des termes différents. L ’ ANC avait pour ambition de lancer une lutte de masse, d ’ engager les ouvriers et les paysans d ’ Afrique du Sud dans une campagne si vaste et si puissante qu ’ elle devrait mettre à bas le statu quo de l ’ oppression blanche. Mais le gouvernement nationaliste rendait impossible toute expression légale différente ou toute protestation. Je voyais qu ’ il réprimerait impitoyablement toute manifestation légitime de la part de la majorité africaine. Un Etat policier ne semblait plus très loin.
    J ’ ai soupçonné que les manifestations légales et non constitutionnelles deviendraient bientôt toutes deux impossibles. En Inde, Gandhi avait eu à faire à une puissance étrangère qui en fin de compte s ’ était montrée plus réaliste et plus clairvoyante. Ce n ’ était pas le cas des Afrikaners en Afrique du Sud. La résistance passive non violente est efficace tant que votre adversaire adhère aux mêmes règles que vous. Mais si la manifestation pacifique ne rencontre que la violence, son efficacité prend fin. Pour moi, la non-violence n ’ était pas un principe moral mais une stratégie. Il n ’ y a aucune bonté morale à utiliser une arme inefficace. Mais sur ce sujet, ma réflexion n ’ avait pas encore abouti, et j ’ avais parlé trop vite.
    C ’ était sans doute l ’ opinion du Comité national de direction. Quand il a été mis au courant du contenu de mon discours, j ’ ai été sévèrement critiqué pour avoir défendu une rupture aussi radicale avec la politique de l ’ ANC. Certains membres de la direction pensaient comme moi mais personne n ’ a soutenu la méthode irréfléchie avec laquelle j ’ avais parlé. La direction m ’ en a fait le reproche en soulignant que la politique que j ’ avais défendue n ’ était pas seulement prématurée mais dangereuse. De tels discours pouvaient inciter l ’ ennemi à écraser entièrement l ’ organisation puisque l ’ ennemi était fort et que nous étions toujours faibles. J ’ ai accepté la critique, et ensuite j ’ ai fidèlement défendu la politique de non-violence en public. Mais au fond de moi, je savais que la non-violence n ’ était pas la réponse.
    A ce moment-là, j ’ avais beaucoup de problèmes avec la direction nationale. Au début de 1953, le chef Luthuli, Z.K. Matthews et une poignée d ’ autres responsables de haut rang de l ’ ANC ont été invités à rencontrer un groupe de Blancs qui s ’ apprêtaient à créer le Parti libéral. Une réunion de la direction de l ’ ANC a eu lieu juste après et nous avons été plusieurs à demander un rapport sur la rencontre avec les Blancs libéraux. Ceux qui y avaient assisté ont refusé, en disant qu ’ ils avaient été invités à titre privé et non en tant que membres de l ’ ANC. Nous avons continué à les presser et, finalement, le professeur Matthews a dit qu ’ il s ’ agissait d ’ une conversation privée. Dans un mouvement d ’ indignation, j ’ ai répondu   : « Quel genre de responsables êtes-vous   ? Vous pouvez discuter avec un groupe de Blancs libéraux et ne pas partager cette information avec vos collègues de l ’ ANC   ? Le problème avec vous, c ’ est que vous avez peur et que vous êtes intimidés par l ’ homme blanc. Vous appréciez plus sa compagnie que celle de vos camarades africains. »
    Cette sortie a provoqué la colère du professeur Matthews et du chef Luthuli. Tout d ’ abord, le professeur Matthews m ’ a dit   : « Mandela, que savez-vous des Blancs   ? Je

Weitere Kostenlose Bücher