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Un long dimanche de fiancailles

Un long dimanche de fiancailles

Titel: Un long dimanche de fiancailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sébastien Japrisot
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le chapeau melon sur la table et le lui donne.
    Le
soir, au dîner, Maman raconte qu'un monsieur pourtant bien
élevé, fort aimable, est entré dans le petit
salon, a décroché un tableau du mur et l'a emporté
sans autre explication que celle-ci : mademoiselle Mathilde
venait de lui dire elle-même que la chose serait, chez lui,
mieux à l'abri des souris. Sur quoi la chère femme a
fait poser des tapettes partout.
    Ce
qui signifie qu'on se passera de fromage.

Les tournesols du bout du monde

Hossegor
écrasé par la chaleur d'août, même les
chats en souffrent. Chaque soir, éclatent des orages qui
mitraillent les arbres, arrachent les feuilles, massacrent les
fleurs. Bénédicte s'effraie des coups de tonnerre.
    Célestin
Poux reste encore quelques jours à MMM.
    Il
bichonne la Delage, il aide Sylvain au jardin et scie avec lui du
bois pour l'hiver. Il nage dans le lac. Mathilde lui apprend à
jour à la Scopa. Il mange de bon appétit et Bénédicte
est aux anges. Il s'ennuie. Quelquefois, Mathilde le voit, pensif,
regarder tomber la pluie derrière les vitres des
portes-fenêtres. Elle roule vers lui, il tapote sa main avec le
sourire gentil et distrait de quelqu'un qui n'est déjà
plus là. Un soir, il lui dit qu'il partira le lendemain, qu'il
donnera souvent de ses nouvelles, qu'elle saura toujours où le
trouver si elle a besoin de lui. Elle dit qu'elle comprend.
    Le
lendemain c'est le 15 août, Cap-Breton doit être en fête,
la rue gorgée de monde pour suivre la procession. Célestin
Poux remonte un échafaudage à l'arrière de sa
moto. Sylvain affecte de vaquer à son ouvrage. Bénédicte
reste avec Mathilde sur la terrasse, bien triste de voir partir un si
brave garçon. Il y a douze jours, un dimanche, à
l'heure où le soleil déclinait et touchait déjà
la cime des pins, il arrivait pour renouer un fil. Il semble à
Mathilde que ça fait plus longtemps. Il vient vers elle, son
bonnet et ses lunettes de motard à la main, pour dire au
revoir. Elle lui demande où il va et s'en veut aussitôt.
Il sourit, encore une fois, de son sourire à faire fondre, il
ne sait pas. Peut-être fera-t-il un tour à Oléron.
Il ne sait pas. Il embrasse Mathilde et Bénédicte. Il
va donner l'accolade à Sylvain. Il part comme il est venu, à
peu près à la même heure, dans la pétarade
de son moteur poussé à fond. Où il arrivera, il
aura deux gros ronds de peau bien propres autour de ses yeux bleus,
et Mathilde, tout à coup, se demande où elle a bien pu
laisser, quand elle était enfant et n'en avait plus envie, son
poupon Arthur.
    Quelques
jours plus tard, elle reçoit une lettre de Leipzig, en
Allemagne. Heidi Weiss, sitôt rentrée de voyage, a
rencontré l'ancien feldwebel, Heinz Gerstacker, qui lui a fait
de nouveau le récit du dimanche de Bingo Crépuscule.
C'est à peu près ce qu'elle a dit à l 'Auberge
des Remparts, avec toutefois des précisions, dont la
dernière aurait stupéfié Célestin Poux
s'il était là mais confirme à Mathilde, si son
orgueil en avait besoin, qu'en dépit de son imagination
intempestive, ses parents, dans leurs élans amoureux de
Tolède, ne l'ont pas faite si sotte.
    Gerstacker,
prisonnier, a été ramené dans les lignes
françaises le lundi, un peu avant l'aube, avec trois de ses
camarades. Ils étaient conduits par deux soldats qui, au lieu
de couper au plus court, ont voulu passer par Bingo. Sur le terrain,
dispersés dans la neige, gisaient les cadavres des condamnés.
Les deux soldats se sont séparés pour explorer les
lieux avec des torches électriques. Gerstacker, suivant l'un a
d'abord vu un condamné que la mort avait figé comme il
était tombé, à genoux, les bras sur les cuisses,
la tête inclinée vers la poitrine. C'était celui
qui avait abattu l'Albatros à la grenade. Un autre était
dans un trou, qui semblait une cave effondrée car des marches
d'escalier existaient encore. Gerstacker a nettement vu, dans la
lumière de la torche, que celui -l à,
renversé sur le dos, les jambes au milieu des marches, était
chaussé de bottes allemandes. Le soldat français a soufflé : “ Merde  ! ” C'est l'un des rares mots que le feldwebel connaît de
notre langue. Après, en se remettant en route, le soldat a
discuté avec son compagnon et celui-ci a répondu : “ Oui, eh bien, boucle-la !” Et cela Gerstacker
n'avait pas besoin d'être bilingue pour le comprendre aussi.
    Mathilde
n'est pas étonnée, encore moins stupéfiée
comme l'aurait

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