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Un long dimanche de fiancailles

Un long dimanche de fiancailles

Titel: Un long dimanche de fiancailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sébastien Japrisot
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été Célestin Poux, son cœur
bat plus vite, c'est tout. Si ce qu'elle imagine, depuis qu'elle a lu
de Tina Lombardi et retrouvé son coffret en acajou, a le
moindre bon sens, il faut que Benjamin Gordes, dans cette nuit de
combats, soit revenu à un moment ou à un autre devant
Bingo Crépuscule. Gerstacker confirme qu'il l'a fait.
    Pauvre,
Benjamin Gordes. Il faut que tu sois mort là, pense-t-elle,
pour que je continue de croire que l'un des cinq, qui t'as pris tes
bottes, est resté vivant au moins jusqu'à Combles. Ce
ne pouvait être ton ami l'Eskimo, ni Six-Sous, ni Ange
Bassignano. Manech, dans l'état où tout le monde l'a
décrit, n'en aurait pas eu l'idée. Reste ce rude paysan
de la Dordogne qu'on a trouvé , à
sa naissance, sur les marches d'une chapelle et qui se terrait, à
son dernier jour, par une facétie du destin, dans les ruines
d'une autre. Reste le phrase d'Urbain Chardolot, revenu au matin sur
la terre de personne, quand recommençait de tomber la neige,
bien après toi, bien après le prisonnier allemand et le
soldat sans nom qui t'ont vu dans un trou : “Un au moins, si ce n'est deux. ”
    Oui,
Chardolot avait une certitude et un soupçon. La certitude, il
l'a dite à Esperanza, en juillet 18, sur le quai de cette gare
où on l'évacuait : “Je miserais bien deux
louis avec toi sur le Bleuet, si je les avais. Mais les filles m'ont
tout pris." Le soupçon, c'était Cet Homme,
simplement parce que le soldat sans nom n'avait pas écouté,
en fin de compte, le conseil de la boucler.
    La
lettre que Mathilde attend avec le plus d'impatience, celle du curé
de Cabignac, lui arrive deux jours plus tard.

    Samedi
16 août 1924.
    Ma
chère enfant,
    J' avoue
que votre question me laisse perplexe sur le sens de vos démarches.
Surtout, je ne peux me figurer par quels détours la dernière
lettre de Benoît Notre-Dame, ou sa copie, a pu parvenir entre
vos mains. Il me faut croire que vous avez rencontré Mariette
et que votre silence à ce sujet n'est dû qu'à un
interdit de sa part, ce qui m'attriste profondément.
    Néanmoins,
je vous répondrai du mieux que je peux, pour ma foi en
Notre-Seigneur et la confiance que j'ai en vous.
    J'ai
lu plusieurs fois cette lettre. Dès l'abord, je puis vous dire
que le Benoît que j'ai connu enfant, adolescent et adulte, pour
être abrupt peu disert, ne la jamais été a ce
point. Sans doute, les misères de la guerre ont changé
les sentiments et les hommes, mais ce que je ressens le plus
profondément, c'est que son message à Mariette, la
veille de sa mort, veut dire autre chose que ce qu'il dit.
    J'ai
cherché à comprendre, comme vous me le demandiez, ce
qu'il y a, selon votre expression, d'incongru dans sa lettre. Je me
suis renseigné dans les villages alentour, jusqu'à
Montignac. Mes recherches expliquent le retard que j'ai pris à
vous répondre. J'ai parlé à beaucoup de gens qui
ont connu les Notre-Dame. Tous m'ont affirmé que Benoît
n'a jamais eu besoin d'acheter de l'engrais pour fumer ses champs,
qui n’étaient pas immenses, son meilleur rapport étant
l'élevage. Je n'ai rencontré personne, dans le pays,
qui ait entendu parler d'un monsieur Bernay, ou Bernet. Le nom qu'on
a pu me dire et qui se rapproche le plus de celui-là est
Bernotton, marchand de ferraille, qui ne vend pas d’engrais. Ce
qui est inexplicable dans cette lettre, et non pas, sans vous
offenser, incongru que vous employez improprement, car ce qui est
incongru ne heurte que les convenances, pas la raison, ce qui est
inexplicable, c'est ce monsieur Bernay qui n'a jamais existé.
    Je
suis un vieil homme, ma chère enfant. Je voudrais, avant
l'appel de Dieu, même si Mariette avait refait sa vie dans
l'impiété, savoir ce qu'elle est devenue, et son fils
Baptistin que j'ai baptisé, comme j'avais marié ses
parents. Je prierai ce soir pour Benoît-Notre-Dame. Je prierai
pour vous, en croyant de toute mon âme que ce chemin que vous
avez pris, que je ne comprends pas, est une des ces voies qu'on dit
impénétrables.
    Au
revoir, ma chère enfant. Si j'avais quelques lignes de vous
pour me rassurer, je vous pardonnerais volontiers l'incongru, même
si, comme je le devine rien qu'à vous lire, vous aggravez
votre cas d'avoir pratiqué le latin.
    Votre
dévoué en Notre-Seigneur,
    Anselme
Boileroux,
    Curé
de Cabignac.

    Il
est midi. La première des choses que veut Mathilde, c'est
consulter, dans sa chambre, le Littré.
    Exact,
elle a tort. Elle n'en fait pas moins, avec la

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