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Un long dimanche de fiancailles

Un long dimanche de fiancailles

Titel: Un long dimanche de fiancailles Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sébastien Japrisot
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du Taureau ou de
l'obstination du Cancer. Elle a écrit au maire de ce village,
Cabignac. C'est le curé qui lui a répondu :

    25
septembre 1919
    Cap-Breton :.
    Ma
chère enfant,
    Le
maire de Cabignac, monsieur Auguste Boulu, est décédé
cette année. Celui qui le remplace, Albert Ducot, s'est
installé ici après la guerre, qu'il a faite
honorablement dans les services de santé. Quoique radical, il
ne me montre que des sentiments fraternels. C'est un médecin
sage et désargenté, qui n'accepte rien des pauvres, et
ils sont nombreux parmi mes paroissiens. J ' ai une grande
estime pour lui. Il m'a remis votre lettre parce qu”il n'a pas
connu Benoît ni Mariette Notre-Dame. Moi, je les ai mariés
à l'été 1912, j'ai connu Mariette enfant et
Benoît, qui ne venait pas au catéchisme, je lui ai
appris, chaque fois que je pouvais l'attraper dans les champs où
il poussait la charrue, la gloire de Jésus et de Marie. Tous
les deux sont des enfants assistés. On a trouvé Benoît à quelques kilomètres de Cabignac, sur les
marches d'une chapelle qu'on appelle Notre-Dame-des-Vertus. D'où
son nom. C'était un 11 juillet, fête de Saint-Benoît.
D'où son prénom. Un curé comme moi, qui l'avait
trouvé, l'a porté dans ses bras jusqu’à
des Visitandines qui ne voulaient plus le rendre. Il a fallu des
gendarmes à cheval. Cette histoire, si vous venez un jour
jusqu'à chez nous, les vieux vous la diront dans tous ses
détails.

    Un
monument aux morts provisoire a été dressé, cet
été, sur la place, devant mon église. Le nom de
Benoît Notre-Dame y est inscrit parmi ceux des seize enfants de
Cabignac morts pour la patrie. On comptait ici moins de trente hommes
mobilisables, en 1914. C'est vous dire comme la guerre nous a
éprouvés.
    J'ai
senti, mon enfant, trop d'emportement, trop de rancœur dans
votre lettre à monsieur le maire.
    Personne
ne sait comment est tombé au combat Benoît Notre-Dame
mais tout le monde ici est sûr que c'était un rude
combat : il était si grand, si fort qu'il fallait l'enfer
pour l'abattre. Ou alors, je me tais, la volonté de Dieu.
    Mariette
a reçu, en janvier 17, la terrible nouvelle. Aussitôt,
elle a vu le notaire de Montignac, elle a mis la ferme en vente,
qu'elle ne pouvait plus tenir. Elle a vendu jusqu'à ses
meubles. Elle est partie avec son petit Baptistin dans les bras,
assise dans la carriole du père Triet. Elle emportait deux
malles et des sacs. Je lui ai dit : “Que fais-tu ? Que vas-tu devenir ? ” Je m'accrochais au
cheval. Elle m'a répondu : “Ne
vous souciez pas de moi, monsieur le curé. Il me reste mon
petit. J ' ai des amis, près
de Paris. Je trouverai du travail." Alors, comme je ne voulais
pas lâcher les brides, le père Triet a crié : “ Lève-toi de devant, curé ! Ou bien tu vas voir, je te frappe avec mon fouet ! ” Ce grigou, qui avait perdu ses deux fils et son gendre à
la guerre, insultait les hommes qui en étaient revenus et
maudissait Dieu. C'est lui qui avait racheté la ferme des
Notre-Dame. Malgré sa réputation d'avarice, le notaire
m'a affirmé qu'il avait donné à Mariette un bon
prix, sans doute parce qu'il respectait moins l'argent que le
malheur, depuis qu'il l'avait éprouvé lui-même.
Ainsi est-il toujours un coin de ciel dans l'âme la plus
obscure et je vois là, ma chère enfant, que le Seigneur
a voulu prendre date et la marquer de son sceau.
    En
avril 17 est venue la confirmation de la mort de Benoît. Je
l'ai acheminée à l'adresse provisoire que Mariette
m'avait donnée, un garni au 14 de la rue Gay-Lussac, à
Paris. Depuis lors, personne ici n'a eu de ses nouvelles. Peut-être
pourrez-vous la retrouver en interrogeant les propriétaires de
cette maison et je vous saurais gré infiniment de m'en
avertir. J ' aimerais tant savoir ce qu'elle et l'enfant sont
devenus.
    Votre
dévoué en Notre-Seigneur,
    Anselme
Boileroux,
    Curé
de Cabignac.

    Mathilde
a écrit aussi à la compagne de Droit Commun, Tina
Lombardi. Comme lui, elle a confié sa lettre aux bons soins de
madame Conte, 5, traverse des Victimes, à Marseille. C'est
cette dame qui lui répond, à l'encre violette, sur des
feuilles détachées d'un cahier d'écolier.
Traduit de la phonétique, un semblant de ponctuation établi,
chaque mot décrypté à la loupe, avec l'aide
constante d'un lexique d'italien, voici ce que Mathilde a pu
comprendre :

    Jeudi
2 octobre 1919.

    Très
chère Mademoiselle,
    Je
n'ai pas revu Valentina Emilia Maria, ma

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