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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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indicibles. Et cette opération d’une délicatesse inconcevable,
c’était sur un comte qu’il osait la mener ! Au risque d’être pendu haut et
court si les choses tournaient mal. Ses mains agiles étaient aussi fines que
celles des anges de pierre au fronton de la cathédrale.
    Enfin, Matthieu remit à leur place les trois fragments
déposés dans le bol, les ajustant soigneusement l’un à l’autre comme s’il
recollait les tessons d’une fiole brisée.
    Ayant rabattu le cuir chevelu sur la blessure, il entreprit
de le recoudre à points adroits et précis.
    Le comte Roland avait retrouvé un crâne complet.
    « À présent, le comte doit dormir tout un jour et toute
une nuit, dit-il. S’il se réveille, donnez-lui une forte dose de cette potion
pour dormir que Mattie sait concocter. Après, il devra rester quarante jours et
quarante nuits immobile. Au besoin, attachez-le à son lit. »
    Sur ce, il pria mère Cécilia de lui bander la tête.
    *
    Godwyn quitta la cathédrale, empli d’un agaçant sentiment
d’impuissance. Le prieuré partait à vau-l’eau : le sous-prieur laissait
tout le monde agir à sa guise. Anthony était faible, certes, mais il avait plus
d’autorité que Carlus. Il fallait absolument le retrouver. Fort de cette
conviction, il s’élança vers la rivière.
    À cette heure, la plupart des corps avaient été repêchés.
Les blessés légers et ceux qui souffraient seulement du contrecoup de leur
frayeur étaient rentrés chez eux par leurs propres moyens. La majorité des
morts et des personnes gravement blessées avait été regroupée à la cathédrale.
Ceux qui restaient encore dans l’eau étaient le plus souvent pris au piège d’un
enchevêtrement de poutres.
    À la pensée que le prieur Anthony puisse avoir péri, Godwyn
éprouvait une frayeur mêlée d’excitation. D’un côté, il souhaitait ardemment
l’avènement de réformes, voir la règle de saint Benoît appliquée plus
strictement au prieuré et assortie d’une gestion méticuleuse des
finances ; de l’autre, il n’ignorait pas que la nomination d’un nouveau
supérieur risquait de lui faire perdre les avantages dont il bénéficiait grâce à
la protection d’Anthony.
    Godwyn aperçut Merthin dans une embarcation au milieu de la
rivière, là où s’était regroupée la majeure partie des poutres effondrées. Avec
lui se trouvaient deux jeunes gens vêtus comme lui de leur seul caleçon – des
gaillards bien nourris, probablement des écuyers du comte. À eux trois, ils
tentaient de dégager quelqu’un coincé sous l’amoncellement de bois. À
l’évidence, soulever ces poutres énormes n’était pas une tâche facile, mais
l’accomplir debout dans une petite barque qui balançait sur l’eau la rendait
encore plus malaisée.
    Godwyn se joignit à la foule des habitants de Kingsbridge
qui suivaient des yeux l’opération, partagés entre la crainte et l’espoir. Les
deux gaillards appuyaient de toutes leurs forces sur un tronc colossal placé de
sorte à faire levier et à permettre à Merthin d’extirper un corps de
l’enchevêtrement. Lorsqu’il y fut parvenu et l’eut examiné, l’apprenti lança à
la cantonade : « Marguerite Jones – décédée. »
    C’était une vieille femme sans notoriété et Godwyn cria en
retour d’une voix impatiente : « Tu ne vois pas le prieur
Anthony ? »
    Surprenant le regard qu’échangeaient les hommes dans la
barque, Godwyn comprit qu’il avait usé d’un ton trop péremptoire. Mais Merthin
répondait déjà : « j’aperçois une robe de moine.
    — Alors, c’est lui ! s’époumona Godwyn, car
Anthony était le seul de la communauté à manquer à l’appel. Tu peux dire s’il
est vivant ? »
    Merthin se tendit au-dessus de l’amas de poutres.
Apparemment incapable de répondre à cette question de là où il se trouvait, il
entra dans l’eau. Peu après, il criait : « Il respire encore. »
    À cette nouvelle, Godwyn éprouva à la fois soulagement et
déception. « Alors, sors-le en vitesse ! » ordonna-t-il et il
ajouta : « S’il te plaît ! »
    Aucune réponse ne vint de la barque indiquant qu’il avait
été entendu. Cependant, il vit Merthin se faufiler sous une planche en partie
submergée et, de là, transmettre ses instructions aux deux autres. Ils firent
lentement passer au-dessus de la barque la poutre qu’ils étaient en train de
dégager et la laissèrent glisser dans l’eau de l’autre

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