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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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du miel avant de les panser pour éviter l’infection. En guise de
remontant, elles distribuaient aux blessés des bolées de bière chaude aux
épices. Mattie leur faisait boire des potions calmantes en haletant bruyamment,
essoufflée par son surpoids ; fort de sa pratique sur les champs de
bataille, Matthieu le Barbier reboutait bras et jambes.
    Caris s’avança vers le transept sud. Là, loin du bruit, de
l’agitation et du sang qui emplissaient la nef, les meilleurs moines médecins
se pressaient autour du comte de Shiring, qui n’avait toujours pas repris
connaissance. Il avait été dévêtu et reposait sous une lourde couverture.
« Il est vivant, lui dit frère Godwyn, mais ses blessures sont
gravissimes. » Désignant l’arrière de son crâne, il expliqua :
« Cette partie-ci est en morceaux. »
    Caris regarda le blessé par-dessus l’épaule de son cousin.
Le crâne, souillé de sang, ressemblait à la croûte éclatée d’un pâté laissant
apparaître la farce à l’intérieur. Assurément rien ne pourrait être fait pour
guérir une plaie aussi redoutable.
    À l’évidence, frère Joseph, le plus âgé des médecins,
partageait cet avis car, s’étant frotté le nez, il déclara avec sa façon si
particulière de prononcer les « s » comme des « ch », à la
manière des ivrognes : « Il faut transporter ici les reliques du
saint. C’est le meilleur espoir de guérison. »
    Caris ne plaçait pas grande confiance dans les pouvoirs des
os d’un saint mort depuis belle lurette pour guérir un homme dont la tête avait
été fracassée aujourd’hui, mais elle s’abstînt de le montrer, naturellement.
Elle ne partageait pas les vues du commun des mortels. Le sachant, elle gardait
les siennes par-devers elle. Enfin, le plus souvent.
    Les deux fils du comte, le seigneur William et l’évêque
Richard, gardaient les yeux fixés sur leur père. Avec sa silhouette de soldat
et sa chevelure noire, le premier était en plus jeune la copie conforme de
l’homme inanimé étendu sur la table ; le second était plus clair de teint
et plus rond. Ralph se tenait à leur côté. « C’est moi qui ai sorti le
comte de l’eau, dit-il pour la deuxième fois devant Caris.
    — Oui, oui, c’est bien », laissa tomber. William.
    Son épouse, dame Philippa, ne semblait guère convaincue par
la proposition de frère Joseph. À la différence de Caris, elle le
manifesta : « N’y a-t-il donc rien que vous puissiez faire vous même
pour guérir le comte ? demanda-t-elle.
    — Non, répondit Godwyn. La prière est le plus efficace
des traitements. »
    Les reliques étaient conservées sous le maître-autel dans
une châsse fermée à clef. À peine Godwyn et Joseph se furent-ils rués pour
aller les chercher que Matthieu le Barbier vint se pencher sur le comte. Ayant
examiné son crâne, il déclara : « Cette blessure ne guérira pas toute
seule, même avec l’aide du saint.
    — Que veux-tu dire ? jeta William avait
brusquerie, et Caris se dit qu’il ressemblait vraiment à son père.
    — Le crâne est un os comme les autres, expliqua
Matthieu. Il se répare, lui aussi, mais à condition que tous les morceaux
soient placés exactement au bon endroit. Sinon, il guérit tordu.
    — Tu te crois plus savant que les moines ?
    — Mon seigneur, les moines savent comment appeler
l’aide divine, moi je sais seulement réparer les os brisés.
    — Et d’où te vient ta connaissance ?
    — J’ai vu bien des têtes fracassées dans ma vie. J’ai
été chirurgien dans les armées du roi pendant de longues années. J’ai fait la
guerre contre les Écossais aux côtés de votre père, le comte.
    — Et que ferais-tu pour lui, maintenant ? »
    Face aux questions agressives du seigneur William, Matthieu
le Barbier commençait à bafouiller. Néanmoins, Caris le trouvait assez sûr de
son fait. Le barbier répondit : « Je retirerais les os brisés et les
nettoierais séparément, puis j’essaierais de les réajuster ensemble avant de
les replacer. »
    Caris en resta bouche bée. Comment avait-il le culot de
proposer une opération aussi dangereuse ? Et si ça tournait mal ?
    William demanda : « Et il serait sauvé ?
    — Je ne sais pas, répondit Matthieu. Les blessures à la
tête ont parfois de drôles de répercussions sur le corps. Il arrive que le
blessé, une fois guéri, ne puisse plus marcher ou parler. Tout ce que je peux
faire, c’est réparer son crâne.

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