Un Monde Sans Fin
trésors du couvent déplaisait grandement à Caris. Ennuyée par ses
questions, sœur Beth se résolut à lui montrer les lieux afin qu’elle s’assure
par elle-même que l’argent des religieuses était bien en sécurité.
Godwyn et Philémon se trouvaient dans la cathédrale à ce
moment-là, comme par hasard. Apercevant les deux religieuses, ils leur
emboîtèrent le pas.
Elles franchirent une arche récemment pratiquée dans le mur
sud du chœur et débouchèrent dans un petit vestibule fermé en face par une
formidable porte en bois ornée de clous. Sœur Beth sortit une grosse clef en
fer. C’était une femme humble et discrète, comme la plupart des religieuses.
« Cette partie-là du trésor est la nôtre, dit-elle à Caris. Nous pouvons y
entrer chaque fois que nous le souhaitons.
— Je l’espère bien ! répondit sèchement Caris.
C’est nous qui en avons payé la construction ! » Elles pénétrèrent
dans une petite salle carrée, meublée d’une table de comptes supportant des
rouleaux de parchemin, de deux tabourets et d’un grand coffre serti de fer.
« Ce coffre est trop grand pour passer par la porte,
précisa sœur Beth.
— Comment l’avez-vous fait entrer alors ? s’enquit
Caris.
— En morceaux, que le menuisier a chevillés ici même,
dans cette salle. »
Caris, qui ne parlait plus à Godwyn que contrainte et forcée
depuis son procès, s’adressa à lui sur un ton sans réplique, scrutant ses
traits d’un air glacial. « Le couvent doit absolument posséder une clef
ouvrant ce coffre.
— Ce n’est pas nécessaire, répondit Godwyn avec hâte.
Il ne contient que les objets de culte confiés à la garde du sacristain, et
celui-ci est toujours un moine.
— Montrez-les-moi ! » ordonna-t-elle.
À l’évidence, son ton irritait son cousin et il était
partagé entre l’idée de refuser et celle d’apparaître comme un homme ouvert et
dénué de rouerie. Il finit par prendre une clef au trousseau accroché à sa
ceinture et ouvrit la serrure. Outre les ornements de la cathédrale, le coffre
renfermait des douzaines de parchemins, les chartes du prieuré.
« Je vois qu’il n’y a pas là que des objets de
culte ! Fit-elle remarquer sur un ton lourd de soupçon.
— En effet, il y a aussi des chartes.
— Y compris celles concernant le couvent ?
insista-t-elle.
— Oui.
— Dans ce cas, nous avons droit à une clef, nous
aussi !
— Je propose que nous recopiions toutes ces chartes et
en gardions les copies dans la bibliothèque où nous pourrons les consulter
chaque fois que nous en avons besoin. Ainsi, les précieux originaux resteront
sous clef. »
Sœur Beth, qui détestait les conflits, intervint d’une voix
timide : « Cette solution me paraît tout à fait raisonnable, ma sœur.
— À condition que nous ayons toujours libre accès à nos
documents », admit Caris à contrecœur. Et, ignorant délibérément Godwyn,
elle enchaîna à l’intention de sœur Beth : « Et l’argent, où est-il
gardé ?
— Dans des caissons dissimulés sous les dalles. Il y en
a quatre en tout : deux pour les moines, deux pour les religieuses. En
regardant bien, vous pouvez voir que certaines dalles ne sont pas
jointives. »
Caris examina le sol attentivement. « En effet, je ne
l’aurais pas remarqué si vous ne me l’aviez pas indiqué. Est-ce que ces
caissons peuvent être cadenassés ?
— Je suppose que oui, dit Godwyn. Mais alors, on
devinera aisément leur emplacement, ce qui réduira à néant l’effet de les avoir
dissimulés.
— Certes, mais dans ce cas, les moines comme les
religieuses auront libre accès à un argent qui ne leur appartient pas. »
C’en était trop pour Philémon. Toisant Caris d’un air
accusateur, il jeta : « Que faites-vous ici, d’abord ? Il
n’entre pas dans vos attributions de veiller sur le trésor, que je
sache ! »
Caris n’éprouvait pour lui qu’une détestation pure et
simple. À ses yeux, cet homme n’était pas un être humain. Il n’avait aucun sens
du bien ou du mal, aucun scrupule, aucun principe. Godwyn, pour qui elle
n’avait que mépris, était un homme mauvais, mais qui connaissait parfaitement
la frontière entre le bien et le mal. Philémon, lui, était un animal vicieux,
un chien de garde devenu fou, une bête sauvage. « Je fais toujours
attention aux détails, laissa-t-elle tomber sèchement.
— Vous n’avez confiance en personne », dit-il
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