Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
Vom Netzwerk:
voix forte de manière à être entendu de
tous.
    Un murmure apeuré lui répondit. Il s’en réjouit. Il avait
compté que leur effroi inciterait les moines à se rallier à lui, au cas où Saül
défierait ses ordres.
    De fait, Saül déclarait : « Il est de notre devoir
de leur porter secours, même s’ils sont atteints de la peste. Nos vies ne nous
appartiennent pas, pour que nous cherchions à les protéger comme on cache l’or
sous la terre. Nous les avons offertes à Dieu afin qu’il en use à sa guise et y
mette un terme au moment le plus opportun pour servir ses buts sacrés !
    — Laisser entrer ces hors-la-loi équivaudrait à choisir
le suicide ! Ils nous tueront tous.
    — Qu’avons-nous à craindre, père prieur ? Nous
sommes des hommes de Dieu. Pour nous, la mort n’est que l’union joyeuse avec le
Christ ! »
    Conscient de laisser transparaître sa peur alors que Saül
conservait un sang-froid remarquable, Godwyn se força à s’exprimer sur un ton
calme et empreint de philosophie : « Il n’en demeure pas moins que
c’est un péché que de rechercher la mort !
    — Toutefois, lorsqu’elle se présente à nous dans
l’exercice de notre saint devoir, nous l’accueillons avec plaisir ! »
objecta Saül.
    Débattre ainsi n’aboutirait à rien. Le comprenant, Godwyn
décida de faire preuve d’autorité. Il rabattit son volet de tissu et
ordonna : « Bouche ta fenêtre, frère Saül, et
rejoins-moi ! »
    Le fixant droit dans les yeux, il attendit.
    Après une hésitation, Saül s’exécuta.
    « Quels sont tes trois vœux, mon frère ? »
    Saül laissa durer la pause. Le jeu auquel Godwyn s’adonnait
lui était clair : le prieur de Kingsbridge refusait de considérer le
prieur de Saint-Jean comme son égal.
    Saül donna tout d’abord l’impression qu’il ne répondrait
pas. Puis sa formation monastique prit le dessus : « La pauvreté, la
chasteté et l’obéissance.
    — À qui dois-tu obéissance ?
    — À Dieu, à la loi de saint Benoît et à mon prieur.
    — Ton prieur se tient ici devant toi. Me reconnais-tu
comme tel ?
    — Oui.
    — Tu peux dire : « Oui, père prieur. »
    — Oui, père prieur.
    — Maintenant je vais te dire ce que tu dois faire, et
tu obéiras. » Godwyn promena les yeux sur l’assemblée et enchaîna :
« Que chacun retourne à sa place ! »
    Il y eut moment de silence glacial pendant lequel personne
ne bougea ni ne dit mot. Godwyn retenait son souffle. Tout pouvait arriver :
soumission ou mutinerie, ordre ou anarchie, victoire ou défaite.
    Finalement, Saül esquissa un mouvement : il baissa la
tête et s’en alla. Il remonta le bas-côté et regagna sa place devant l’autel.
    Les autres l’imitèrent.
    Quelques cris retentirent encore à l’extérieur, mais ce
n’étaient que des salves d’adieu. Les hors-la-loi avaient compris qu’ils ne
pouvaient forcer un médecin à soigner un de leurs camarades malades.
    Revenu près de l’autel, Godwyn s’adressa aux moines :
    « Achevons le Psaume interrompu ! »
    Et il commença à chanter.
    « Gloire à Dieu...
    — À son fils...
    — Et au Saint-Esprit. »
    Le cantique était hésitant, les moines étaient encore trop
émus pour adopter le ton qui convenait. Qu’importe ! Ils étaient chacun à
leur place et poursuivaient leur rituel. Godwyn avait gagné.
    « Comme cela était au commencement...
    — Comme cela l’est maintenant...
    — Et le sera dans les siècles des siècles...
    — Amen.
    — Amen », répéta Godwyn.
    Un moine éternua.

 
65.
    Peu après la fuite de Godwyn, Elfric mourut de la peste.
Caris en fut attristée pour sa sœur Alice, restée veuve. Ce sentiment mis à
part ; elle eut du mal à ne pas se réjouir de la disparition du
bâtisseur : il avait persécuté les faibles, flatté les puissants et il
l’avait presque conduite à la potence avec ses mensonges. Le monde se porterait
mieux sans lui. À commencer par son entreprise de construction qui serait mieux
dirigée par son gendre, Harold Masson.
    Élu prévôt de la guilde de la paroisse en remplacement
d’Elfric, Merthin accueillit sa nomination par ces mots : « Me voilà
désormais capitaine d’un bateau en perdition. »
    L’épidémie continuait ses ravages, l’horreur régnait
partout. Violence et cruauté ne choquaient plus personne. À force d’enterrer
parents, voisins, clients et employés, les habitants de Kingsbridge avaient
perdu toute

Weitere Kostenlose Bücher