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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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noirs
d’une trentaine d’années. « Hier, je croyais avoir pris froid.
Aujourd’hui, j’ai des saignements de nez incessants.
    — Je vais vous trouver un endroit où vous étendre, lui
répondit Caris à travers son masque en tissu.
    — C’est la peste, n’est-ce pas ? demanda-t-il avec
un calme et une résignation bien différents de l’anxiété que les patients
manifestaient d’ordinaire. Pourrez-vous faire quelque chose pour me
guérir ?
    — Nous pouvons vous soulager et prier pour vous.
    — Cela ne servira à rien. Même vous, vous n’y croyez
pas, je le vois bien. »
    Elle fut ébahie de découvrir qu’il déchiffrait aussi
aisément ses pensées. « Vous ne savez pas ce que vous dites,
protesta-t-elle sans conviction. Je suis religieuse, je dois y croire.
    — Vous pouvez me dire la vérité : vais-je mourir
bientôt ? »
    Elle le regarda longuement. Il lui souriait d’un sourire
enjôleur qui avait dû tourner la tête à bien des femmes. « Comment se
fait-il que vous n’ayez pas peur ? Tout le monde a peur.
    — Je ne crois pas à ce que racontent les prêtres,
dit-il en la regardant effrontément. Vous non plus, je le
soupçonne ! »
    Ne voulant pas en débattre avec un inconnu, aussi charmant
soit-il, elle répondit sans ménagement : « Les malades atteints de la
peste meurent dans les trois à cinq jours. Certaines personnes survivent sans
que l’on sache pourquoi. »
    Il accueillit la nouvelle paisiblement. « C’est bien ce
que je pensais.
    — Vous pouvez vous étendre ici.
    — Cela me fera-t-il du bien ? lança-t-il en lui
décochant à nouveau son sourire de mauvais garçon.
    — Si vous ne vous étendez pas rapidement, vous allez
tomber.
    — C’est bon. »
    Il s’étendit sur la paillasse qu’elle lui avait désignée.
Elle lui apporta une couverture. « Comment vous appelez-vous ?
    — Tarn. »
    Elle scruta son visage. Derrière son charme, elle décela de
la cruauté et se dit qu’il était du genre à violer les femmes qui résistaient à
ses tentatives de séduction. Il avait la peau tannée par la vie au grand air et
un nez d’ivrogne ; ses vêtements étaient de bonne qualité, mais sales.
« Je sais qui vous êtes. N’avez-vous pas peur d’être puni pour vos
péchés ?
    — Si j’avais craint de l’être, je ne les aurais pas
commis. Et vous, avez-vous peur de brûler en enfer ? »
    D’ordinaire, Caris esquivait ce genre de question. Mais ce
hors-la-loi moribond méritait une vraie réponse. « Je crois que mes actes
deviennent partie inhérente de moi-même. Lorsque je suis courageuse et forte,
que je prends soin des enfants, des malades et des pauvres, je deviens
meilleure ; mais quand je suis cruelle ou lâche, quand je raconte des
mensonges ou que je me saoule, je me transforme alors en une personne de peu de
valeur et je ne me respecte plus. Telle est la récompense divine et c’est en
cela que je crois. »
    Il la regarda pensivement. « J’aurais aimé vous
rencontrer il y a vingt ans. »
    Elle eut un petit « tss tss » dédaigneux :
« j’en avais douze à l’époque ! »
    Le voyant hausser un sourcil intéressé, elle mit fin à ce
badinage. Il commençait à lui conter fleurette et elle se surprenait à
apprécier ses discours. Elle tourna les talons.
    Il dit encore : « Vous êtes bien courageuse d’accomplir
ces tâches, car elles vous tueront certainement !
    — Je sais », répondit-elle en revenant vers lui.
Plantant ses yeux dans les siens, elle ajouta : « Je suis incapable
de fuir les gens qui ont besoin de moi. Tel est mon destin.
    — Visiblement, votre prieur ne possède pas cette
qualité.
    — Il a disparu.
    — Les gens ne disparaissent pas.
    — Je veux dire personne ne sait où le prieur Godwyn et
les moines s’en sont allés.
    — Je le sais, moi », répondit Tarn.
    *
    Le temps en cette fin février était doux et ensoleillé
lorsque Caris quitta la ville pour Saint-Jean-des-Bois, montée sur un petit
cheval gris. Merthin, qui l’accompagnait, chevauchait un étalon noir. En temps
normal, le spectacle d’un homme et d’une religieuse voyageant seuls aurait fait
jaser, mais l’époque était telle qu’on ne s’arrêtait plus à cela.
    On craignait moins les hors-la-loi. Un grand nombre d’entre
eux étaient morts, victimes de la peste, comme Tarn l’Insaisissable l’avait
appris à Caris avant de décéder. La hausse subite de la mortalité avait eu

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