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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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retenue. Sentant leur mort prochaine, ils s’abandonnaient à leurs
instincts les plus bas sans se soucier des conséquences.
    Il fallait batailler dur pour préserver un semblant de
normalité à la ville. Caris et Merthin menaient le combat de front.
    L’orphelinat était l’une des plus belles réussites de la
prieure. Les enfants, déchirés par la disparition de leurs parents,
retrouvaient là une atmosphère paisible, un lieu où ils étaient non seulement
en sécurité mais nourris à leur faim. Le couvent disposait en effet de réserves
d’autant plus abondantes que les rangs des religieuses ne cessaient de
s’éclaircir. Prendre soin des petits, leur apprendre à lire et à chanter les
cantiques réveillaient chez certaines sœurs un instinct maternel longtemps tenu
caché et le prieuré de Kingsbridge retentissait à présent de joyeuses voix
enfantines.
    En ville, la situation était plus difficile. À longueur de
temps éclataient de violentes disputes concernant les biens des personnes
décédées. Des gens s’introduisaient sans vergogne dans les maisons désertées
pour y rafler ce qui leur plaisait. Des enfants devenus subitement
propriétaires d’une somme rondelette ou d’entrepôts bien garnis étaient adoptés
par des voisins sans scrupules, mus par le seul souci de s’accaparer leur
héritage. Et Caris de songer avec désespoir que la perspective d’accumuler des
richesses sans effort engendrait le pire chez ses concitoyens.
    Les mesures visant à restaurer un comportement normal au
sein de la population ne portaient guère de fruits. L’ivrognerie persistait
malgré la répression exercée par John le Sergent. Veufs et veuves se lançaient
dans la recherche frénétique d’une compagne ou d’un compagnon et il n’était pas
rare de tomber sur des couples d’un certain âge s’adonnant à leur passion dans
les tavernes ou même sur le pas des portes. Caris ne s’en offusquait pas outre
mesure ; ce qu’elle déplorait, c’était que l’ivresse et la débauche,
source de mille et une bagarres, se déploient sur la voie publique. Malheureusement,
Merthin et la guilde demeuraient impuissants à mettre un terme à ces
dérèglements.
    En cette période où la population aurait eu le plus besoin
d’un cadre strict, la fuite des moines engendrait à l’inverse le laisser-aller
et l’abattement. D’autant qu’ils avaient emporté les reliques, gage de
prospérité pour la cité. De là à conclure de leur départ que le Tout-Puissant
avait abandonné la ville, il n’y avait qu’un pas. D’aucuns y voyaient le signe
que la chance avait tourné. Chaque semaine l’absence des crucifix et des
précieux chandeliers lors de la messe du dimanche renforçait les citoyens dans
leur conviction que Kingsbridge était damné. En de telles circonstances,
pourquoi ne se seraient-ils pas saoulés et livrés à la fornication au vu et au
su de tous ?
    Peuplée d’environ sept mille habitants, la ville de
Kingsbridge en avait perdu un millier à la mi-janvier. Il en allait de même
dans les autres cités du pays. Malgré le port du masque, le couvent connaissait
un taux de mortalité élevé, probablement parce que les religieuses étaient en
contact permanent avec les malades. Des trente-cinq qu’elles étaient avant
l’épidémie, elles n’étaient plus qu’une vingtaine. Toutefois, elles
s’estimaient chanceuses, car désormais de nombreux monastères et couvents du
pays comptaient à peine une poignée de religieux, quand ce n’était pas un seul,
pour assurer le travail. Caris avait abrégé la durée du noviciat et mis en
place une formation aux soins en vue d’augmenter le nombre des sœurs capables
d’œuvrer à l’hospice.
    Merthin engagea le serveur de l’auberge du Buisson en
qualité de gérant pour sa taverne de La Cloche. Il prit aussi à son service une
intelligente jeune fille de dix-sept ans prénommée Martine, pour s’occuper de
Lolla.
    Et puis l’épidémie sembla perdre de sa virulence. En
janvier, l’on n’enterra plus qu’une cinquantaine de personnes, un net recul
comparé à la semaine qui avait précédé Noël où une centaine d’habitants avaient
trouvé la mort. Caris se prit à espérer que le cauchemar touchait à sa fin.
    L’un des malheureux à contracter la maladie durant cette
période fut un étranger qui se présenta un jour à la porte de l’hospice, un
chiffon ensanglanté plaqué sur le nez. C’était un bel homme aux cheveux

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