Un Monde Sans Fin
monastère pour construire la nouvelle tour.
— Sur ordre de l’évêque, oui. »
Un éclair d’agacement passa sur le visage de Philémon. Il
avait espéré gagner les bonnes grâces d’Henri et s’en faire un allié contre
Caris. Depuis l’enfance, il avait toujours agi en flagorneur auprès des
personnages importants. C’était ainsi qu’il était entré au prieuré.
« Je veux avoir accès à la trésorerie du monastère.
C’est à moi de gérer les biens.
— Pour les voler, comme la dernière fois ? »
Philémon pâlit : Caris l’avait touché au vif.
« Ridicule, lâcha t-il avec une arrogance destinée à cacher son embarras.
Le prieur Godwyn avait emporté le trésor pour le mettre en lieu sûr.
— Eh bien, personne ne le mettra plus « en lieu
sûr » tant que je serai à ce poste.
— J’apprécierais que vous me remettiez au moins les
ornements. Ce sont des joyaux sacrés que seuls les prêtres sont habilités à
manipuler. Les femmes ne sont pas censées y toucher.
— Thomas s’en occupe très bien : il les sort pour
les offices et les rapporte ensuite dans notre salle du trésor.
— Mais Thomas n’est pas...
— À ce propos, l’interrompit Caris, tu ne nous as pas
tout rendu.
— Si vous parlez de l’argent...
— Je parle des ornements. Il manque un candélabre en
or, un cadeau de la guilde des chandeliers. Tu ne l’aurais pas
gardé ? »
La réaction de Philémon la surprit. Elle s’attendait à ce
qu’il s’indigne de ses insinuations, mais il se contenta de répondre d’un air
gêné : « Cette pièce a toujours été conservée dans la chambre du
prieur.
— Ce qui signifie... ? lui demanda Caris en
fronçant les sourcils.
— Que j’ai préféré la séparer des autres ornements.
— Dois-je comprendre que c’est toi qui détiens ce
candélabre depuis tout ce temps ?
Godwyn m’avait demandé de le garder précieusement.
— Et donc, bien entendu, plutôt que de le laisser à
Saint-Jean, tu as jugé préférable de l’emporter à Monmouth et par tout
ailleurs.
— C’était le souhait du prieur. »
Son histoire n’était pas plausible une seconde, et il le
savait. Il était évident qu’il avait volé ce candélabre. « Tu l’as
encore ? »
Il acquiesça d’un signe de tête, mal à l’aise.
À cet instant, Thomas entra dans la pièce. « Ah !
Eh bien, vous voilà ! s’exclama-t-il à l’adresse de Philémon.
— Thomas, dit Caris, montez fouiller la chambre du
sous-prieur.
— Que dois-je y chercher ?
— Le candélabre en or que nous avions perdu.
— Inutile de fouiller, dit Philémon. Vous le trouverez
sur le prie-Dieu. »
Thomas monta dans la chambre et redescendit un instant plus
tard, lesté du fameux ornement. Il le tendit à Caris. Elle l’examina avec
curiosité. L’objet était très lourd. Sur sa base étaient gravés, en lettres
minuscules, les noms des douze membres de la guilde des chandeliers. Pour quelle
raison Philémon l’avait-il subtilisé ? À l’évidence, ce n’était ni pour le
vendre ni pour le fondre, car il aurait eu tout le temps de le faire avant de
revenir au prieuré, si telle avait été son intention. Non, visiblement, il
voulait seulement posséder un candélabre à lui. Passait-il de longs moments à
le contempler et à le caresser quand il était seul dans sa chambre ?
Elle releva les yeux vers lui et vit qu’il était au bord des
larmes.
« Vous allez me le reprendre ? »
Quelle question stupide ! « Évidemment, dit Caris.
Sa place est dans la cathédrale, pas dans ta chambre. La guilde l’a dédié à la
gloire de Dieu et nous en a fait don pour illuminer les offices religieux,
certainement pas pour satisfaire le caprice d’un moine malhonnête. »
Il ne protesta pas. Il avait l’air désespéré. Pour autant,
il n’éprouvait aucun remords. Ce qui le peinait, c’était d’avoir perdu son
candélabre. Caris comprit alors qu’il ignorait la honte.
« Je crois que ceci met un terme à notre discussion
concernant les biens du prieuré, laissa-t-elle tomber. À présent, tu peux
disposer. »
Philémon parti, Caris remit le candélabre à Thomas.
« Apportez-le à sœur Joan et dites-lui de le ranger dans le trésor. Nous
informerons la guilde des chandeliers qu’il a été retrouvé, et nous l’utiliserons
à la messe de dimanche prochain. »
Thomas s’exécuta. Restée seule, Caris réfléchit à la
situation. Philémon la
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