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Un Monde Sans Fin

Un Monde Sans Fin

Titel: Un Monde Sans Fin Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Ken Follett
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yeux sur Wulfric. Celui-ci
soutint son regard sans timidité ni provocation. La balafre sur sa joue,
souvenir du coup d’épée de Ralph, apparaissait entre les poils de sa barbe
fauve qui commençait à grisonner.
    « Wulfric, ton fils veut épouser Amabel et cultiver les
terres d’Annet. »
    Derechef, Gwenda s’interposa, sourde à la leçon qu’avait
voulu lui enseigner Alan la dernière fois : parler à bon escient.
« Vous m’avez déjà volé un fils. Allez-vous me prendre le
second ? »
    Ralph feignit de ne pas l’entendre.
    « Qui paiera les droits de transmission ?
    — Qui se montent à trente shillings, précisa Nathan.
    — Pas moi, je ne les possède pas, lâcha Wulfric.
    — Je les ai, annonça calmement David. Je
paierai. »
    Sa culture de garance avait dû lui rapporter gros, songea le
comte. « Dans ce cas...»
    Mais David l’interrompit : « Quels sont exactement
les termes du contrat ? »
    Le visage de Ralph s’empourpra. « De quel contrat
parles-tu ? »
    Et le bailli d’intervenir à nouveau : « Tu auras
les terres d’Annet aux termes qui sont les siens, naturellement.
    — Alors, je remercie le comte, mais je décline son
offre gracieuse.
    — Que veux-tu dire, bon Dieu ? jeta Ralph,
courroucé.
    — Je ne demande pas mieux que de m’occuper de ces
terres, seigneur, mais je veux les avoir en métayage et vous régler un loyer en
espèces, libéré de toute obligation coutumière.
    — Tu oses marchander avec le comte de Shiring, espèce
de chien insolent ! » assena Alan.
    Son ton menaçant effraya David mais ne lui fit pas baisser
les armes. « Loin de moi le désir de vous offenser, seigneur. Je souhaite
seulement décider par moi-même des plantes que je fais pousser. Je refuse de me
soumettre aux décisions de Nathan le Bailli, car elles ne tiennent pas compte
du prix du marché. »
    Rendu furieux par cette obstination manifestement héritée de
sa mère, Ralph vociféra : « Nathan n’est que le porte-parole de mes
choix ! Crois-tu tout savoir mieux que ton suzerain ?
    — Pardonnez-moi, seigneur, mais vous n’allez ni au
labour ni au marché ! »
    Alan porta la main à la poignée de son épée. Ralph surprit
le coup d’œil de Wulfric à sa faux dont la lame affûtée étincelait au soleil.
Il nota aussi, sur son autre flanc, que le cheval de Sam se mettait à piaffer
nerveusement, comme s’il percevait la tension de son cavalier. Qui son fils
défendrait-il, si une bagarre devait éclater ? songea Ralph. Son seigneur
ou les siens ?
    À quoi bon laisser dégénérer l’affrontement ? Ce
n’était pas en décimant ses paysans qu’il ferait rentrer ses moissons, au
contraire. Retenant Alan du geste, le comte ironisa, dégoûté :
« Admirez les résultats de la peste ! Les paysans n’ont plus de
moralité ! Tu auras ce que tu demandes, David, mais sache que c’est
uniquement parce que je ne peux pas faire autrement ! »
    La gorge sèche, le jeune homme souffla : « Par
écrit, seigneur ?
    — Te faut-il aussi une copie signée de la
tenure ? »
    Tremblant de peur, David acquiesça en silence.
    « Mettrais-tu en doute la parole de ton comte ?
    — Non, seigneur.
    — Alors, pourquoi réclamer un contrat écrit ?
    — Pour éviter toute incertitude à l’avenir. »
    Il s’agissait là de la réponse classique du paysan à son
suzerain en de telles circonstances, car le seigneur pouvait difficilement
modifier les termes d’un contrat signé. Cependant, c’était une entorse aux
traditions ancestrales et Ralph considérait avoir déjà fait assez de
concessions. Hélas, il n’avait pas le choix s’il voulait que ses récoltes
soient rentrées. Que j’en retire au moins une petite satisfaction ! se
dit-il dans son for intérieur et, tout haut, il précisa : « Ta mère
pourra venir chercher le document à Château-le-Comte la semaine prochaine. Je
ne veux pas que les hommes quittent mes champs pendant la moisson. »
    *
    Gwenda se rendit à Château-le-Comte par une journée de
chaleur accablante. Consciente de ce qui l’attendait, elle était à l’agonie. En
franchissant le pont-levis, elle eut l’impression que les freux se gaussaient
de son calvaire à venir.
    Un soleil implacable régnait sur ces lieux ceints de
remparts où l’air ne pouvait circuler. Des écuyers, parmi lesquels elle
reconnut son fils, s’adonnaient à un jeu cruel auquel elle avait déjà assisté.
Sam, trop absorbé par la

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