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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Garden, où Jane ne toucha à aucun plat avant que Pacal y eût goûté sans paraître empoisonné.
     
    – Je me demande si vous aimeriez la cuisine bahamienne. Nos conches à la sauce piquante, le foie de tortue, nos gigots de chèvre, nos crabes de terre… risqua Pacal.
     
    – Hou ! Hou ! Je ne me nourrirais que de riz et de poisson, assura-t-elle, péremptoire.
     
    Pacal rit franchement et, par-desssus la table, lui prit la main.
     
    – Ce serait déjà mieux que vos rôtis trop cuits, vos puddings étouffants et vos légumes à l'eau, dit-il.
     
    – Si, par hasard vous épousiez une Anglaise, continueriez-vous à habiter votre île ? demanda-t-elle soudain, le feu aux joues, étonnée de sa hardiesse.
     
    – Certes, c'est mon pays. Un très beau pays, Jane. Et une épouse doit suivre son mari.
     
    – Ah !
     
    – Si vous épousiez un officier de l'armée des Indes, vous devriez bien le suivre à Bombay ou à Lahore.
     
    – Je ne serais pas obligée. Nous serions ensemble quand il viendrait en congé à Londres, n'est-ce pas ? J'ai plusieurs amies qui vivent ainsi.
     
    Pacal la considéra en silence, d'un regard amusé.
     
    – Vous n'allez tout de même pas passer toute votre vie aux Bahamas. Ce n'est qu'un ramassis de rochers perdus sur l'Océan, reprit-t-elle.
     
    – Soledad est mon île natale et ma propriété, par héritage de lord Simon. J'y suis heureux et libre. Je nage, je pêche, je chasse, je navigue à la voile et, de là, je gère mes affaires. Pour tout vous dire, Jane, puisque nous parlons avec franchise, je ne pourrais jamais vivre longtemps à Londres, où les Anglais de la même classe mènent la même vie, au même rythme, dans le même climat compassé.
     
    – Comment cela ?
     
    – Entre la fête de saint George en avril, les courses d'Ascot à la Pentecôte, le Derby d'Epsom fin mai, les régates de Henley en juillet, les feux d'artifices du Guy Fawkes Day 4 le 5 novembre, les promenades à Hyde Park toute l'année, les représentations à Covent Garden l'hiver, l'anniversaire de la reine, l'ouverture du Parlement et les bals pour débutantes, je sombrerais vite dans une saturation mélancolique.
     
    – Vous semblez bien connaître notre calendrier mondain, observa naïvement Jane.
     
    – Ce n'est pas tout. Je ne pourrais jamais m'adapter aux conventions d'une société qui classe socialement les individus suivant la manière dont ils aspirent la lettre H, qui veut qu'on appelle les valets par leur prénom et les femmes de chambre par leur nom de famille et règle jusqu'à la manière d'user d'un marteau de porte, quand on rend une visite. Lady Ottilia me l'a enseignée. Les gens ordinaires ne doivent frapper que deux coups, un gentleman cinq coups nets, une lady sept petits coups rapides, énuméra Pacal, moqueur.
     
    Lady Jane fit la moue et devint morose. Sa mère avait eu l'imprudence d'imaginer devant elle que lord Pacal Desteyrac-Cornfield, qui allait avoir trente ans, était certainement venu à Londres pour choisir une épouse dans l'aristocratie. « Pourquoi ne serait-ce pas toi ? » avait ajouté lady Olivia, avant de prévenir d'un ton aigre, dans le langage trivial qui trahissait parfois la native de Whitechapel, « C'est ta dernière chance de te caser ! »
     

    Au lendemain de cette conversation, décevante pour Jane, Pacal rejoignit lord James au Reform Club, à l'heure du lunch . Tandis que des serveurs à visage de bois, glissant sur leurs semelles en molleton, passaient les plats – esturgeon sauce pimentée, bœuf bouilli, cœur de laitue, fromage de Stilton, le tout arrosé d'un inoffensif claret  – dans un silence de catacombes, Kelscott aborda le thème du mariage. Tout en désapprouvant la façon dont sa femme tentait encore de marier leur dernière fille, il s'était engagé à s'enquérir des intentions de lord Pacal.
     
    – Je suis certain, mon garçon, que lady Olivia souhaite un gendre tel que vous. Et vous êtes un parti que ne refuserait pas lady Jane, commença-t-il.
     
    – Je ne suis pas candidat au mariage, lord James. Et j'ai cru comprendre que, même pour un époux dont lady Jane serait éprise, votre fille ne se résoudrait pas à quitter Londres pour le suivre. D'ailleurs, votre gouvernement n'a-t-il pas abrogé, en 1884, la peine de prison encourue par les épouses qui refusent le devoir conjugal, plaisanta Pacal.
     
    – La vie conjugale… séparée est courante, dans nos familles

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