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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Ottilia.
     
    De retour à Londres avec sa grand-tante, il assista, en tant qu'administrateur, à plusieurs réunions de la West Indies Produce Association et proposa des changements de nature à favoriser le commerce avec les Bahamas et la Jamaïque, par l'affrètement de navires rapides, qui transporteraient en Grande-Bretagne les fruits et les produits coloniaux, plus vite et dans de meilleures conditions.
     
    Lors de son second séjour londonien, disposant avec lady Mary Ann d'une maîtresse de maison rompue aux mœurs de sa classe, il donna une réception à Cornfield House, pour les amis de son grand-père. Ce fut une noble assemblée de vieillards chenus, aux membres gourds, mais élégants, de veuves égrotantes, accompagnées de leurs petites-filles, souvent jolies, prêtes à voir dans Sa Seigneurie, lord Pacal Desteyrac-Cornfield, bel homme au teint hâlé, brun aux yeux vert pâle, généreux et plein d'attentions pour les aïeules, un mari possible.
     
    Mais Pacal était prémuni contre l'imprudente impulsion qu'eût provoquée un irrépressible désir de femme. Dès son retour à Londres, le père de lady Jane, qui savait combien l'animal endormi en tout homme a parfois le réveil exigeant, lui avait glissé les adresses de demoiselles de bonne éducation et de vertu accommodante, qui recevaient l'après-midi, préféraient le champagne au thé et ne parlaient jamais mariage !
     
    Au cours du dernier lunch , qu'il prit au Reform Club avec lord James, chez qui Pacal avait reconnu plus d'un trait de son grand-père, le Bahamien confia à son hôte qu'il avait hâte de regagner son île.
     
    – Par saint George, si je n'étais pas si vieux, je prendrais le bateau avec vous, mon garçon, dit Kelscott, ému à la pensée de quitter un jeune ami avec lequel il avait établi une complicité spontanée.
     
    – Pour moi, il est temps de partir, lord James, sinon je me réveillerai, un matin, marié sans m'en être aperçu, dit Pacal en serrant bien fort la main du vieil officier des lanciers du Bengale.
     

    Le même soir, quand il embarqua pour New York sur Etruria , un paquebot de la Cunard, il trouva dans sa cabine une lettre de Jane Kelscott.
     
    « Cher lord Pacal, grâce à vous j'ai passé d'heureux moments à Londres. J'en conserverai un souvenir lumineux jusqu'à ce que vous reveniez frapper «cinq coups nets» à la porte de mes parents, derrière laquelle toujours je vous attendrai. Votre amie Jane. »
     
    Il estima que lady Jane ne manquait ni d'humour ni de sensibilité.
     

    À bord de l' Etruria , Pacal ne rencontra pas de Domenica prête à égayer ses nuits. Fuyant les sauteries, thés dansants, jeux de société et exercices physiques organisés pour distraire les nombreux passagers américains, le Bahamien passa le plus clair de son temps dans sa cabine, à lire les livres acquis à Londres. Essais de Samuel Butler, poèmes de Swinburne, romans de George Meredith et Thomas Hardy. Il commença par le dernier livre de Robert Louis Stevenson le Cas étrange du docteur Jekyll et de Mister Hyde , ouvrage qualifié de littérature d'épouvante par les critiques.
     
    Le voyageur rapportait pour lady Ottilia des papiers peints du préraphaélite William Morris. Devenu chef de file de Arts and Crafts , cet ami de Rossetti créait, à Merton Abbey, des meubles, des vitraux, des tapisseries. Pacal avait acheté, pour son compte, une série de gravures reproduisant les tableaux satiriques de William Hogarth 5 , contempteur des mœurs britanniques au XVIII e  siècle, mais il destinait à sa belle-mère plusieurs dessins de Dante Gabriel Rossetti, mort en avril 1882, et un portrait de Maria Zambaco, peint par son amant, Edward Coley Burne-Jones. De cet artiste, l'un des derniers préraphaélites, il avait admiré, à la Grosvenor Gallery, une série de gouaches, préparation à de grandes toiles illustrant le Cycle de Persée . Il s'agissait d'une commande d'Arthur Balfour, un des chefs du parti conservateur 6 , pour le salon de musique de sa résidence londonienne, à Carlton gardens.
     
    En ce début d'été, la traversée fut paisible et Pacal ne fit qu'une courte escale à New York, au cours de laquelle Thomas Artcliff tint à le conduire sur l'îlot de Bedloe, où l'on achevait le montage de la statue de la Liberté. Arrivée un an plus tôt, en pièces détachées, à bord du vapeur L'Isère , l'œuvre de Bartholdi, cadeau de la France, serait inaugurée le 18 octobre par le

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