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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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nature ardente et tendre. La nuit fut brève, faite d'étreintes et de somnolences alternées et, au petit matin, quand l'aube s'inséra comme une toile vierge dans le cadre du hublot, Domenica se mit à pleurer.
     
    – Je me suis conduite comme une fille à matelot, murmura-t-elle.
     
    – Plutôt comme une femme sevrée de tendresse et de plaisir, rectifia Pacal.
     
    – Et vous allez disparaître de ma vie comme vous y êtes entré, balbutia-t-elle.
     
    Alors qu'elle se taisait, lovée contre lui, tiède et parfumée, il parcourut de l'index la courbe soyeuse d'une épaule et le mamelon d'un sein.
     
    – Êtes-vous si pressée de rentrer en Italie ? Pourquoi ne viendriez-vous pas avec moi à Londres ? Je possède un hôtel particulier à Belgravia Square. Vous y seriez comme chez vous.
     
    Domenica se redressa, presque agressive.
     
    – Ne me tentez pas ! Soyez charitable. Je veux garder un souvenir ébloui de notre folie. Nous avons connu le divin privilège de l'amour inattendu. Soyons satisfaits. Demander plus serait pêcher… et nous conduirait à la satiété, dit-elle en quittant le lit.
     
    Pacal l'aida à se vêtir et, quand elle franchit le seuil, un jet éblouissant de lumière embrasa la cabine. La silhouette de l'Italienne, tel un mirage, se dilua dans le soleil. Il sut qu'il ne la reverrait jamais.
     

    Au Havre, lord Pacal quitta le navire parmi les premiers, car le train du ferry-boat pour Southampton, venu de Paris, était en gare, derrière une machine haletante. Il fut reconnaissant à Domenica d'avoir éludé les adieux.
     
    Repu de joute amoureuse, il dormit pendant la traversée de la Manche et ce fut en roulant vers Londres qu'il se prit à réfléchir.
     
    De la même façon qu'une nouvelle couche de peinture fait disparaître une plus ancienne, Lizzie avait effacé Viola, Domenica avait biffé Lizzie. Ces expériences semblaient prouver que l'amour est, d'abord, un phénomène physique. Avec la maturité, le jour viendrait où, transformer une rencontre en lien prolongé serait raisonnable. Il aurait trente ans l'an prochain et devrait penser au mariage pour assurer, comme il l'avait promis à son grand-père, la lignée des Desteyrac-Cornfield. Qui avait dit et de qui : « Il épouse un ventre pour avoir des héritiers » ? En attendant, le mariage lui apparaissait comme une association risquée, où chacun devait abandonner un peu de soi-même afin de parvenir à une accoutumance harmonieuse.
     
    À Cornfield House, il trouva le couple de domestiques qui gardaient l'hôtel de Belgravia Square dans la plus complète vacuité. En l'absence de maître, ces gens n'avaient rien à faire, sinon passer une fois par mois de l'encaustique sur meubles et parquets, entretenir tapis et tentures, polir l'argenterie, veiller à l'étanchéité des toits et attendre dans le confort la visite du propriétaire. S'inspirant des méthodes de son grand-père, le nouveau lord n'avait pas annoncé son arrivée. Son apparition soudaine remit les serviteurs à leur rang et les rendit à leurs devoirs.
     
    Lord Pacal obtint de l'homme de loi qui, depuis longtemps, administrait les affaires des Cornfield en Grande-Bretagne, qu'il embauchât une lingère, une cuisinière, un valet et louât une calèche avec cocher pour la durée de son séjour.
     
    Dès le lendemain, The Times , dans sa rubrique mondaine, publia une annonce qui fit sourire le fils de l'ingénieur français. « Nous apprenons l'arrivée à Londres de lord Pacal Alexandre Simon Desteyrac-Cornfield, petit-fils du regretté lord Simon Leonard Cornfield, partout connu comme le lord des Bahamas. Lord Pacal vient de l'île Soledad, Bahamas, West Indies, où il réside habituellement. Il est attendu à l'inauguration de la Colonial and Indian Exhibition, qui se tiendra de mai à octobre à South Kensington. »
     
    La matinée ne s'était pas écoulée que plusieurs cartes étaient déposées à Cornfield House. Il retint celle des Kelscott et accepta l'invitation à dîner le soir même qui accompagnait le bristol.
     
    Le Bahamien fut chaleureusement accueilli par lady Olivia et lord James, le vieil ami de lord Simon. Si la correspondance avec lady Jane s'était raréfiée au cours des derniers mois, elle n'avait jamais été interrompue. À la vue de Pacal, la jeune fille s'immobilisa, béate, rougissante et muette. Elle avait vingt-cinq ans révolus et sa mère désespérait de la marier, bien que la demoiselle eût

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