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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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président des États-Unis, Grover Cleveland. Le veuf venait de convoler, le 2 juin, avec Frances Folsom, fille d'un ancien associé. Cette union avait valu aux époux un télégramme de félicitations de Sa Très Gracieuse Majesté la reine Victoria et vingt et un coups de canon tirés à l'arsenal de Washington.
     
    La noce présidentielle avait fait oublier au peuple versatile les événements tragiques de Chicago, où trois cent quarante mille ouvriers s'étaient mis en grève, entre le 1 er et le 4 mai, pour exiger la journée de huit heures. Au cours d'une manifestation, une bombe avait tué sept policiers et dix passants. Sept individus, qualifiés d'anarchistes, avaient été arrêtés 7 .
     

    Une semaine plus tard, lord Pacal retrouva Nassau en pleine effervescence. D'abord, parce que le premier Circuit Justice , envoyé de Londres était nommé et, sans plaisir, attendu ; ensuite parce qu'on annonçait la publication prochaine d'un journal pour les Noirs, rédigé par des Noirs, The Freeman . Le fondateur était un mulâtre, James C. Smith, membre de la General Assembly . Il proposait une complète émancipation des Noirs. Des Blancs libéraux soutenaient de leurs deniers cette feuille radicale 8 .
     
    L'arrivée d'un magistrat itinérant suscitait des craintes dans le milieu judiciaire. Chargé de parcourir les îles quatre fois par an, avec l'autorité souveraine d'un juge de Final Appeal , il devrait régler définitivement tous les cas litigieux. Cette prérogative excluait désormais tout recours devant la Supreme Court , qui siégeait à Nassau sous la présidence du plus haut magistrat bahamien, le Chief Justice , Henry William Austin, un Canadien. Les magistrats en place, devinant que le gouvernement britannique doutait – non sans raison – de leur impartialité, se sentaient humiliés. Les avocats et autres membres de la basoche craignaient une perte de clientèle.
     
    Le gouverneur, sir Henry Blake, esprit libéral, avait sollicité l'envoi d'un magistrat anglais, nanti des pleins pouvoirs judiciaires, parce que justiciables et plaignants des Out Islands, mécontents d'une décision du juge résident, le plus souvent inexpérimenté et soumis à toutes les pressions locales, n'avaient que rarement la possibilité et les moyens financiers de se pourvoir devant la Supreme Court .
     
    À Soledad, les rumeurs de la capitale de l'archipel trouvaient plus d'échos au Loyalists Club qu'à Cornfield Manor, où lord Pacal reprit ses habitudes après les retrouvailles avec son père, lady Ottilia et ses amis.
     
    Cette année-là, les ouragans épargnèrent les îles et, la période de deuil terminée, les fêtes de fin d'année se déroulèrent dans la même joyeuse ambiance qu'au temps où lord Simon les présidait.
     

    Au printemps 1887, Pacal dut se rendre à Nassau pour mettre plus d'équité dans le marché des éponges. Les agents des importateurs américains et européens s'entendaient avec les grossistes bahamiens pour tromper les pêcheurs sur le prix des éponges qu'ils livraient. On avait vu payer huit mille éponges onze livres sterling, ce qui laissait au pêcheur moins d'un demi-penny l'éponge. Ces mêmes éponges étaient vendues cinq ou six shillings pièce à Londres !
     
    Lord Pacal avait les moyens de contraindre les intermédiaires commerciaux à plus de respect du dangereux métier des pêcheurs. Comme agents, grossistes et autres négociants faisaient la sourde oreille, arguant des frais considérables inhérents à leur commerce, Pacal fit retirer du Sponge Market toutes les pièces provenant de Soledad, de Buena Vista et de sa flottille de Key West. Ayant obtenu du Colonial Office une licence d'exportateur qu'on ne pouvait lui refuser, il décida que les éponges et l'écaille de tortue, productions de son domaine maritime, seraient désormais transportées à New York, par un navire de sa flotte, et vendues sur le marché américain par son représentant dans cette ville. Cette suppression des intermédiaires bénéficiait, certes, aux pêcheurs mais aussi à Desteyrac-Cornfield.
     
    Les importateurs américains, comparant le prix des éponges livrées par lord Pacal à celui pratiqué par les grossistes de Nassau, exigèrent de ces derniers une révision de leurs tarifs alors que les pêcheurs envisageaient de ne plus approvisionner le marché, sans un honnête relèvement des prix. Imitant leurs camarades de Soledad, de Buena Vista et de Floride, les

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