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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Ce mépris des natifs blancs pour les gens de couleur, comme eux bahamiens, se doublait, dans leurs propos, d'une bonne dose de bêtise et d'une méchanceté rarement atteinte dans une colonie britannique.
     
    Peu de temps avant l'arrivée de Powles, on avait eu la triste preuve de la partialité des juges locaux. Un Noir, Moses Wright, qui avait assailli une jeune Blanche, fille d'un pilote du port de Nassau, avait écopé de six mois de travaux forcés. N'ayant trouvé personne pour se porter garant de sa bonne conduite, pendant une période de six mois après la fin de sa peine, Wright était retourné en prison, pour un an, sur décision du juge !
     
    La campagne de dénigrement du juge itinérant prit une telle ampleur que la General Assembly , où les méthodistes détenaient la majorité, refusa de verser à Powles l'indemnité que lui avait allouée le Colonial Office pour couvrir ses frais de voyage et d'installation.
     
    Exaspéré par tant de partialité et de mesquinerie, le juge Powles, après deux circuits dans les Out islands où il fut bien accueilli, demanda son rappel en Angleterre, pour raisons de santé. Fin juin, il quitta Nassau, avec son épouse, et rentra à Londres, après huit mois passés aux Bahamas. Il en rapportait une piètre opinion de la justice coloniale, une grande amertume et un livre, qui allait faire assez de bruit en Angleterre pour être favorablement commenté par The Times 9 .
     
    Le 24 juin, au moment de son départ, Louis Diston Powles eut la mince satisfaction de lire une pétition de reconnaissance signée par trois cent trente Bahamiens. « Vous vous êtes efforcé de rendre une justice égale pour toutes les personnes, sans tenir compte de leur race, de leur religion et de leur position sociale. Nous croyons que le Dieu de Justice vous récompensera en conséquence », put-on lire dans The Nassau Guardian .
     

    L'année 1887 fut aussi marquée par le cinquantième anniversaire de l'accession au trône de Sa Très Gracieuse Majesté la reine Victoria. À cette occasion, lord Pacal décida de conduire à Nassau, où de grandes festivités étaient annoncées comme dans toutes les colonies de la Couronne, tous les citoyens britanniques de Soledad. En tout, une centaine de personnes. Il embarqua sur le Phoenix II , avec son père, Ottilia et les intimes comme les Weston Clarke, Lewis Colson, le pasteur Russell et sa fille Violet, Uncle Dave et le docteur González, médecin-chef de l'Alister Cornfield Hospital. Une cabine fut réservée au cacique des Arawak, Palako-Mata. Lord Pacal estimait devoir associer le chef indien au jubilé de la reine.
     
    Commandé par John Maitland – Myra, son épouse, était aussi du voyage – le grand vapeur blanc entraîna dans son sillage d'autres unités de la flotte Cornfield, le vapeur Arawak , commandé par Andrew Cunnings, les voiliers Centaur et Argonaut , sous commandement respectif de Philip Rodney et de Tom O'Graney. Pour la première fois de sa longue carrière de marin, le charpentier, promu capitaine, devenait seul maître à bord d'un navire dont il connaissait chaque membrure, de l'étrave à l'étambot.
     
    La petite escadre prit la mer en bon ordre, sous les acclamations des insulaires, venus nombreux au port occidental assister à l'appareillage.
     
    Les fumées des deux vapeurs s'élevaient en panaches gris au-dessus des voiles blanches du brick et de la goélette, dont les capitaines s'étaient entendus pour tenter d'arriver à Nassau avant les « mangeurs de charbon ». Un vent du sud complice permit au fin manœuvrier qu'était Philip Rodney de se présenter en tête devant New Providence. Marin courtois, il mit en panne pour laisser au Phoenix II l'avantage de mouiller son ancre le premier dans l'avant-port de la capitale. Les quatre unités de la flotte Cornfield, sous grand pavois, furent saluées par tous les capitaines des yachts et bateaux de commerce en escale.
     
    Le lundi 20 juin, dès le matin, Nassau s'adonna à la célébration de la cinquantième année de règne de Victoria. Sur Bay Street et dans les rues principales, des guirlandes de papier coloré festonnaient les façades et l'Union Jack frémissait mollement dans l'air tiède, aux fenêtres et balcons. Une foule endimanchée – presque toutes les femmes arboraient des toilettes blanches – se pressait en groupes bruyants pour assister au défilé d'un détachement du First West Indies Regiment avant de s'engouffrer dans les

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