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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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invités bahamiens, Fanny intervint.
     
    – Pour bavarder, vous serez plus à l'aise à la maison, dit-elle en désignant les voitures envoyées par Arnold Buchanan, retenu à cette heure-là dans ses bureaux.
     
    – Nous dînons ce soir chez mon père, mais nous allons prendre le thé chez nous, précisa Susan. « Chez nous » désignait l'hôtel particulier de Beacon Street, que tante Maguy avait hérité de son père, le Suisse Guillaume Métaz, fondateur de la dynastie Metaz O'Brien. Fanny et Susan habitaient aussi sous ce toit familial.
     
    Tandis que les voitures gravissaient la faible pente de Beacon Hill, Susan prit la main de Pacal.
     
    – Il y a si longtemps que j'attendais ce jour. Il y a près d'un an que nous nous sommes vus. Et, sans vos lettres, j'aurais cru avoir rêvé. Vous pouviez m'oublier et je me demandais, ce matin, si vous alliez me reconnaître, minauda-t-elle.
     
    – Comment aurais-je pu vous oublier ! Il y a deux photographies de vous sur mon bureau. Je travaille sous vos yeux. Mais je vous vois encore plus belle qu'autrefois, ajouta Pacal, en portant à ses lèvres la main de sa fiancée.
     
    Dès que les voitures s'arrêtèrent, un Noir se précipita pour abaisser le marchepied de la calèche et Susan prit le bras de Pacal, tout en marchant vers la maison.
     
    Derrière sa grille de fer forgé, la bâtisse, de deux étages sur rez-de-chaussée surélevé, faite de briques sang-de-bœuf, pouvait, comme toutes les demeures de Beacon Street, s'enorgueillir d'une patine historique. Un fronton triangulaire, chaque année repeint en blanc, comme les encadrements des fenêtres à petits carreaux, coiffait les trois marches de granit d'un modeste perron, flanqué de minces colonnes. La porte, laquée de vert sombre, pourvue d'un heurtoir de cuivre, si bien frotté chaque matin au blanc d'Espagne qu'il avait pris l'éclat de l'or neuf, et les jardinières, posées sur les appuis des fenêtres, conféraient à cette résidence la sobriété cossue des fortunes puritaines. Dans le quartier à prétention aristocratique de Back Bay, établi sur le comblement d'anciens marécages et dominé par la coupole dorée du palais du gouvernement, l'hôtel Metaz, ainsi que les vieux Bostoniens le nommaient encore, passait pour référence architecturale de la prospérité post-coloniale de la ville la plus commerçante de l'Union. Au cours de l'année précédente, plus de quatre mille bateaux de commerce avaient mouillé dans le port de la capitale du Massachusetts, qui se voulait aussi métropole spirituelle et intellectuelle de l'Union.
     
    En pénétrant dans le hall, dallé de marbre, Pacal ne fut pas surpris de voir venir à sa rencontre, en compagnie de Maguy Metaz O'Brien, son ami Thomas Artcliff. L'architecte, qui avait accepté le rôle de garçon d'honneur de son ancien condisciple du Massachusetts Institute of Technology, était arrivé le matin même de New York. Si l'impérieuse tante Maguy le traitait encore comme l'enfant et l'adolescent qu'elle avait connu, lui ne cachait pas son plaisir d'être reçu par une vieille amie de sa mère. Tandis qu'on servait le thé dans le grand salon, éclairé par un bow-window qui donnait sur un petit jardin et, au-delà, sur le fleuve Charles, Pacal parcourut du regard les portraits suspendus aux murs.
     
    Fanny, tout émoustillée à la pensée qu'elle allait renouer avec le lieutenant Cunnings, second du Phoenix II – il lui avait adressé un signe amical du haut de la passerelle alors qu'il dirigeait l'accostage –, révéla l'identité d'un portraituré.
     
    – Voici mon grand-père, le père de Maguy et de ma mère, Guillaume Métaz qui, comme son ami Louis Agassiz, quitta sa Suisse natale pour venir aux États-Unis. Vous le voyez peint par le disciple le plus doué de notre grand peintre bostonien John Singleton Copley 2 , dit-elle en désignant le tableau placé au-dessus du manteau de la cheminée.
     
    Pacal pensa aussitôt que l'élève de Copley s'était, à coup sûr, inspiré, pour représenter l'ancien vigneron vaudois devenu grand bourgeois de Nouvelle-Angleterre, du portrait de Samuel Adams. Étudiant au MIT, il avait admiré, au Museum of Fine Arts, la toile représentant le célèbre politicien, membre de la chambre des Représentants du Massachusetts, qui, le 5 mars 1770, avait vécu le « Massacre » de Boston 3 et, plus tard, la fameuse Tea Party , du 16 décembre 1773 4 .
     
    Comme le héros américain,

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