Un paradis perdu
gifler la domestique, qu'elle congédia d'un geste, avant de se laisser tomber dans un fauteuil, la rage au cœur.
Tandis que tante Maguy se préparait, en ruminant sa colère, une nuit d'insomnie, Susan et Pacal, à bord du Phoenix II , se préparaient à leur nuit de noces. L'appartement du lord avait été aménagé pour recevoir le couple. D'après les plans de Charles Desteyrac, Tom O'Graney avait ajouté au salon et à la chambre un deuxième cabinet de toilette et un boudoir.
Dès qu'ils s'étaient retrouvés seuls, Susan, se balançant d'un pied sur l'autre en essayant de contenir son appréhension, Pacal lui avait pris la main avec autant de commisération que de tendresse.
– Cette journée a été pour vous éprouvante. Si vous préférez dormir seule, cette nuit, je me satisferai du sofa du salon, proposa-t-il.
– Ah ! mais non ! Je dois et je veux dormir avec vous. Nous sommes mari et femme. Je sais ce que cela comporte et je ne veux ni ne souhaite m'y dérober, bien cher Pacal. Je vous aime, moi, conclut-elle en se jetant dans les bras de son mari, avec une fougue inattendue.
Pacal lui rendit enlacement et baisers.
– Je vous rejoindrai dans un moment, dit-il, enchanté de l'heureuse disposition de Susan.
La jeune femme se révélait mieux préparée qu'il ne craignait à l'étreinte conjugale, événement aussi intimidant qu'affolant pour une vierge, mais qu'elle semblait avoir hâte de vivre.
Laissant Susan à sa toilette, il rejoignit le commandant John Maitland sur la passerelle, le félicita pour la bonne tenue de l'équipage, qui avait fleuri tout le navire, et s'enquit de la route choisie.
– Nous pourrions suivre la latitude la plus élevée, pour profiter des vents dominants d'ouest, mais, en cette saison, nous courrions le risque de rencontrer des icebergs. Aussi, je préfère la route par les Açores, où nous ferons escale pour nous approvisionner en charbon, mais aussi en fruits et légumes frais. Pour prévenir tout risque de heurt avec des glaces dérivantes, des vigies se relaient à l'avant, expliqua Maitland.
Lord Pacal approuva et, comme il quittait la passerelle, l'officier le retint.
– Le premier lieutenant Andrew Cunnings, mon second, qui prendra le quart à six heures, me donne quelque souci, my lord .
– De quel ordre ?
– Eh bien, il est… au mieux, si j'ose dire, avec miss Fanny Buchanan qu'il a proprement enlevée, avec votre permission, m'a-t-il dit. À terre, ce genre de relation ne me regarde pas et ne crée pas de difficulté, mais à bord…
– Miss Fanny Buchanan est mon invitée, commandant. Mais je demanderai aux tourtereaux d'être discrets, très discrets, concéda Pacal en souriant.
Reconnaissant au maître de Soledad d'avoir permis à Myra d'embarquer avec lui pour le séjour à Liverpool, après avoir assisté au mariage, John Maitland renouvela ses vœux de bonheur pour les époux et souhaita une bonne nuit au jeune marié.
Regagnant son appartement, Pacal fut étonné de trouver la chambre déserte et le lit vide. Susan l'attendait dans son boudoir, en chemise de batiste, sous un déshabillé que tante Maguy eût jugé impudique, bien qu'il ressemblât plus à une coule monacale qu'à un négligé suggestif.
– Vous jouez de l'orgue, comme à Cornfield Manor ? demanda-t-elle en désignant l'instrument de salon sur lequel lord Simon avait longtemps, pendant ses croisières, exhalé ses mélancolies et apaisé ses colères.
Pacal se mit au clavier, devinant que Susan, moins assurée qu'un moment plus tôt, essayait de retarder l'étreinte.
– Cette nuit, un seul morceau s'impose, dit-il en attaquant avec brio la fameuse Marche nuptiale du Songe d'une nuit d'été , de Félix Mendelssohn.
Quand il se retourna, ayant plaqué le dernier accord, Susan avait disparu. Couchée, les draps jusqu'au menton, les yeux mi-clos, elle attendait son approche.
– Venez, j'ai froid, murmura-t-elle.
Pacal éteignit la lampe de chevet, se dévêtit et se glissa près d'elle. Avec délicatesse, il parcourut patiemment d'une main câline, sous la fine chemise, un corps tiède et ferme, qui se révéla sensible à la caresse. S'il avait dénié à cette femme la capacité d'allumer désir et convoitise, il s'en repentit et en vint aux attouchements plus précis. Ils furent acceptés sans réticence.
– Fanny m'a prévenue. La première fois,
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