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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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l'instruction de sa nièce.
     
    – Ma petite, il existe plus d'une manière de donner sans risque du plaisir à son mari et d'en recevoir. Viens un peu, que je te parle, dit-elle un après-midi, entraînant Susan dans le petit salon pour une conversation discrète.
     
    Personne ne sut jamais la teneur de l'enseignement que voulut dispenser Fanny ce jour-là, mais, après dix minutes d'entretien avec sa tante, Susan quitta la pièce, rouge d'indignation, la respiration courte, l'air courroucé de l'honnête femme qui vient d'entendre égrener un chapelet d'obscénités.
     

    Mi-mai, lord Pacal, accompagné de sa femme, dut se rendre à Nassau. Susan, enchantée de retrouver, dans l'ambiance mondaine du Royal Victoria Hotel, des Américains fortunés, venus profiter du doux climat des îles, ne perçut pas l'agitation occasionnée dans la capitale par l'incarcération d'Alfred Edwin Moseley, éditeur du Nassau Guardian .
     
    Lord Pacal apprit vite, par son fondé de pouvoir, les détails d'une affaire qui faisait grand bruit.
     
    – Il y a quelques jours, le Chief Justice des Bahama Islands, l'honorable Roger Dawson Yelverton, s'est ému de la livraison, à Nassau, de cinq cents tonnes de charbon anglais, destiné au gardien du phare de l'Imperial Lighthouse Service. Le magistrat a aussitôt adressé une lettre au Nassau Guardian , pour mettre en garde la population contre les risques d'une épidémie de malaria, que ferait courir ce charbon, entreposé dans les hangars du ministère du Commerce, sur Bay Street. Cela fit rire les insulaires et l'inspecteur de l'Imperial Lighthouse Service, le capitaine Scobell Clapp, répondit avec humour, par la même voie de presse, que le charbon, pas plus que les pierres, ne propage la fièvre jaune. Le Chief Justice a répliqué, par une nouvelle lettre, dans laquelle il a tenté de démontrer que, dans le passé, les épidémies de fièvre jaune avaient toujours coïncidé avec une livraison de charbon !
     
    – Tout le monde connaît la phobie du juge Yelverton. Cet ancien avocat anglais voit partout des foyers de maladies infectieuses, observa Pacal.
     
    – À son arrivée, il a même refusé les ananas offerts par le barreau de Nassau, dit en riant le juriste.
     
    – Tout ça n'explique pas l'incarcération d'Alfred Moseley.
     
    – Dans un premier temps, cette affaire amusa les lecteurs du Guardian , qui a publié, le 11 mai, une nouvelle lettre non signée, émanant d'un citoyen qui ne ménageait pas ses critiques à l'égard d'un magistrat « excentrique, ignorant, irresponsable, qui ridiculise la fonction de Chief Justice  ». D'après le rédacteur anonyme, Yelverton se montre, en toutes circonstances, d'une nervosité excessive, ce qui le met dans l'incapacité évidente d'assumer les responsabilités de son poste. Le magistrat a fort mal pris cette mercuriale. Il convoqua Alfred Edwin Moseley, propriétaire et éditeur du Nassau Guardian , et le somma de lui révéler le nom de l'auteur de l'article injurieux. Alfred Edwin Moseley demanda quelques heures de réflexion, après lesquelles il fit savoir, par écrit, au Chief Justice , qu'il refusait de divulguer l'identité du rédacteur de la lettre incriminée. Le dénoncer eût été mettre en cause la liberté de la presse et la liberté d'expression des citoyens, expliqua-t-il. Le propriétaire du Guardian s'est dit prêt, en revanche, à assumer toutes les conséquences de son refus.
     
    – Depuis 1844, The Nassau Guardian de la famille Moseley a toujours été un exemple de probité journalistique, commenta lord Pacal.
     
    – N'empêche que, convoqué le lendemain devant la Cour, présidée par Roger Dawson Yelverton, Moseley s'entendit condamner à une amende de quarante livres sterling, pour publication d'une lettre diffamatoire, plus vingt-cinq livres d'amende, pour avoir refusé de livrer à la justice le nom de l'auteur de celle-ci. Et le juge le fit, aussitôt, arrêter et conduire en prison. Il devrait y rester jusqu'au jour où il déciderait de révéler le nom de celui dont il protège l'anonymat.
     
    – Incroyable ! s'exclama Pacal.
     
    – La nouvelle de l'incarcération d'Alfred Moseley s'étant rapidement répandue en ville, les citoyens réagirent avec indignation. Hier, 18 mai, cinquante notables ont formé un comité des citoyens, qui a tenu réunion dans le hall du temple maçonnique, devant une foule scandalisée. Plusieurs motions ont été votées et une

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