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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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d'enfant ? »
     
    Tout événement heureux ou tragique suscitait, chez les Buchanan, un conseil de famille. C'est ainsi qu'on débattit de la sépulture à donner à Susan.
     
    – Vous n'allez pas l'emmener, pour la mettre dans votre caveau, où elle n'aura jamais aucune visite, avança Maguy, qui, lors d'un séjour à Soledad, avait vu le mausolée des Cornfield.
     
    – Susan Desteyrac-Cornfield, en tant que mon épouse, y a sa place, observa Pacal.
     
    – Ah non ! Vous n'allez pas nous l'enlever ! s'indigna tante Maguy.
     
    – Le caveau des Metaz O'Brien Buchanan, à l'Old Granary Burial Ground, doit la recevoir. Sa mère y repose, non loin de Samuel Adams et de Paul Revere, dit Arnold.
     
    À Boston, seuls les morts de qualité étaient admis au cimetière historique, dévolu depuis un siècle aux célébrités locales.
     
    Las, exaspéré par ce débat, lord Pacal consentit à laisser inhumer son épouse avec les siens.
     
    – Peu importe, pour moi, où se trouvent les restes humains de ceux et celles que nous avons aimés. Notre mémoire est la demeure du souvenir, leur vrai cimetière. Celui où l'on peut se rendre, à tout instant, par la pensée. Grands chrétiens, vous devez savoir que le corps n'est que poussière. Que l'âme est ailleurs, rappela-t-il d'un ton méprisant.
     
    Deux jours plus tard, l'office solennel, célébré à Trinity Church, par l'évêque pommadé qui avait uni Susan et Pacal cinq ans plus tôt, se mua en réunion mondaine. Le Tout-Boston, prévenu par une annonce, encadrée de noir, dans The Globe ou honoré par l'envoi d'un faire-part gravé, défila, du porche au transept, s'inclina, avec compassion, devant le cercueil de chêne clair à poignée d'argent, puis, les psaumes récités, exprima, en termes choisis, tristesse et regrets, avant de s'attarder en papotant dans le cloître annexe de l'église.
     
    Avant de se disperser, les fidèles observèrent que le veuf avait le chagrin sec, alors que la vieille miss Maguy, soutenue par deux jeunes fils d'Arnold Buchanan, demi-frères de la morte, montrait une désolation exemplaire.
     
    Thomas Artcliff avait fait le voyage, de New York, pour être au côté Pacal. Quand, au soir de cette sombre journée, les deux amis se retrouvèrent seuls, le Bahamien lui proposa d'être le parrain de son fils, ce qu'il accepta. Depuis quelques jours, on avait un peu oublié l'existence du nouveau-né, déjà pourvu d'une nourrice et d'une nurse par les soins du professeur Collins. Bien que cela ne plût guère aux Buchanan, le veuf exigea un baptême discret. Sur les fonts baptismaux, l'enfant reçut, au baptême, le prénom de George, celui de Washington, de longue date choisi par Susan, auquel Pacal ajouta ceux de Thomas et Charles.
     
    En ce 26 avril, Arnold Buchanan, qui, malgré son deuil, continuait à s'intéresser aux affaires, reconnut devant son gendre qu'il avait mal évalué la détermination des chômeurs. La petite armée de Coxey était entrée à Washington. Les désoccupés – il se plaisait à les nommer ainsi – avaient défilé sur Pennsylvania Avenue, s'étaient aventurés jusqu'au Capitole, pour remettre une pétition aux sénateurs. Ce que souhaitait l'homme l'affaires bostonien était enfin arrivé. Sur les marches du Capitole, la police avait arrêté Coxey et deux autres meneurs qui, depuis, méditaient en prison. La troupe des faméliques, dispersée à coups de bâtons, regagnait les taudis, « dont elle n'aurait pas dû sortir ». La révolution, déjà annoncée, non sans exagération et malveillance, par les journaux britanniques et français, avait échoué.
     
    Même si le père restait affligé, l'homme d'affaires Buchanan avait toutes les raisons d'être rassuré.
     
    – L'ordre démocratique règne dans l'Union, conclut Arnold au soir de cette journée.
     
    1 Petit Dictionnaire de marine , Robert Gruss, Éditions Maritimes et d'Outre-Mer, Paris, 1945.
     
    2 Fondé en 1861 dans l'État de New York.
     
    3 Gratte-ciel.
     
    4 Habitant de Chicago.
     
    5 Harry Thurston Peck, Vingt années de vie publique aux États-Unis 1885-1905, librairie Plon, Paris 1921.
     
    6 Maurice Druon, Secrétaire perpétuel de l'Académie française, révèle, dans le premier volume de ses Mémoires , éditions Plon-de Fallois, Paris, 2006, que Charles Cros figure dans son ascendance maternelle. Il écrit : « Une légende familiale, que j'ai entendue dans mon enfance, voulait qu'Edison, ayant eu

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