Un paradis perdu
toit, plutôt qu'à l'hôtel.
– Où est votre fils ? Je veux le voir. Est-ce un Buchanan Metaz O' Brien ou un Desteyrac-Cornfield ? demanda-t-elle.
Pacal avoua son ignorance. Le bébé se trouvait chez la nourrice engagée par le professeur Collins.
– Qu'on aille le chercher. Que le grand dadais qui n'a pas voulu me reconnaître aille s'informer et somme, de notre part, la nourrice de se présenter ici, avec le nourrisson, décida Fanny, déterminée à prendre les choses en main.
Le majordome expédié, Pacal décrivit le comportement humiliant de sa belle-famille.
– Je ne comprends pas que mon beau-père Arnold laisse tante Maguy régenter ainsi la vie familiale.
– Arnold est un lourdaud prétentieux. Et, pour l'heure, assez ennuyé par la mort de Susan.
– Ennuyé ! N'est-ce pas un mot faible, pour qualifier le sentiment d'un père qui vient de perdre sa fille ? s'étonna Pacal.
– Il a, certes, de la peine, mais sachez que la mort de Susan bouscule ses projets matrimoniaux. J'ai appris en Floride, par notre banquier, que le vieux libidineux devait, au mois de mai, épouser une jeune veuve, de quarante ans sa cadette. Il se propose sans doute de lui faire une demi-douzaine d'enfants. Une troisième manufacture, en quelque sorte ! ironisa Fanny.
Bien qu'il n'eût pas goût à l'amusement, lord Pacal sourit.
Ils attendaient, en devisant, le retour du majordome et l'arrivée de la nourrice qui apporterait le petit George Thomas Charles, quand tante Maguy, sans être annoncée, fit, d'un pas lourd et majestueux, irruption dans le salon. Elle eut un mouvement de recul, vite réprimé, en voyant sa nièce Fanny, assise près de Pacal.
– Quitte à revenir à Boston, tu aurais pu être présente aux obsèques de notre Susan ! lança-t-elle aigrement.
Fanny eut un haussement d'épaules.
– Le chemin de fer le plus rapide de l'Union met deux jours et demi pour relier Saint Augustine à New York. Et le mécanicien n'a pas voulu se dérouter jusqu'à Beacon Hill ! lança Fanny.
– Bon, c'est ton affaire. Moi, je suis venue dire à Pacal, qui a envoyé le majordome chez la nourrice, ce que nous avons décidé, Arnold et moi.
– Voyons cet ukase, dit Pacal, avec une gravité feinte.
– Ni Arnold Buchanan ni moi, Maguy Metaz O' Brien, ne souhaitons nous charger de l'enfant que vous avez obtenu, au prix de la vie de Susan. Emportez-le sur votre île, et faites-en ce que vous voudrez. Mais, ne perdez pas de vue qu'il est né américain, comme sa sœur Martha, et qu'ils sont, l'un et l'autre, de religion épiscopalienne. Notre notaire l'a inscrit dans votre contrat de mariage. Nous le ferons respecter.
– Je n'ai pas l'intention de contester la nationalité de George, même si elle le prive des titres et privilèges de son père, commenta lord Pacal, d'un ton sec.
– C'est très bien ainsi. Vous pourrez en faire un colon, dans une île perdue, mais pas un Anglais, insista la vieille fille.
– On naît anglais, on ne le devient pas, précisa Pacal, répétant un axiome de son grand-père, lord Simon.
– Si, un jour, l'Amérique a besoin de ses enfants pour la défendre, votre fils devra répondre à son appel et prendre les armes, même contre l'Angleterre et la France, compléta Maguy, rageuse.
Excédé, lord Pacal décida de clore l'entretien.
– Cessons cette discussion. Je vous prie de faire conduire ici mon fils et sa nourrice, ainsi que ma fille Martha.
– Votre fils, certes, mais pas Martha. La petite a décidé de rester avec nous. Elle ne veut même pas voir son petit frère. Elle dit : « Ce bébé a tué maman », osa Maguy.
– J'aimerais qu'elle vienne me dire cela elle-même, jeta Pacal, blême de colère.
Fanny, s'adressant à Pacal, intervint, avant que sa tante ne réplique.
– Vous ne pouvez imposer une telle démarche à une enfant de quatre ans. Elle ne ferait d'ailleurs que répéter ce que cette fielleuse lui a mis dans la tête. Laissez Martha en paix. Plus tard, elle fera la part des choses, comprendra qu'on a voulu la séparer de son père. Elle vous reviendra, repentante, conseilla Fanny, avant de se tourner vers sa tante, le regard flamboyant.
– Ce jour-là, Maguy, tu connaîtras le prix de tes méchancetés et de ton orgueil pervers. Si Dieu est aussi juste que tu te plais à le répéter, tu mourras de honte et
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