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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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évangélique.
     
    Sharko, gérant du Loyalists Club, occupé, avec deux Noirs, à charger sur une charrette, tonnelets de bière, gallons de whisky et tonneaux de vin de Bordeaux, arrivés par le même bateau que le révérend John Lester, identifia aussitôt un des prédicateurs qui, depuis quelques mois, visitaient ce que les gens de Nassau nommaient les Out Islands, les îles extérieures, pour recruter des fidèles, que certains qualifiaient de sectaires.
     
    Ayant fait quelques pas sur le quai, John Lester avisa le mulâtre et s'en approcha, pour demander comment on pouvait se rendre à Cornfield Manor. Toutefois, avant de poser sa question, il jugea sacerdotal un préambule moralisateur.
     
    – Mon frère, si tu veux servir Dieu et faire respecter par les habitants de cette île la sobriété que Notre Seigneur exige de ses enfants, tu dois vider le contenu de ces récipients dans la mer, dit le ministre, d'un ton patelin, simulant une pieuse souffrance.
     
    Un triple éclat de rire lui répondit et les deux aides de Sharko, augurant l'aubaine d'une pause, s'assirent sur les tonneaux, pour donner plus confortablement libre cours à leur hilarité. Le mulâtre, reprenant son sérieux, s'adossa à la charrette.
     
    – Le vin et le whisky, c'est bon pour les hommes, mauvais pour les poissons. Et Not' Seigneu' a jamais défendu de vider què'ques pichets à sa gloire. Je sais mon Évangile, mon Révérend, et, aux noces de Cana, Not' Seigneu' a fait miracle pour que tout le monde y boive bien à sa soif et même un peu plus.
     
    Les aides applaudirent et le prédicateur tira de sa jaquette un mouchoir, de la dimension d'un torchon, pour s'éponger le front. L'évêque de Boston avait prévenu : « Aux Bahamas, le printemps est chaud comme un été de Nouvelle-Angleterre et les nègres, descendants d'esclaves, peuvent se montrer d'une grande insolence. »
     
    – Je ne vais pas engager avec toi, mon frère, une discussion théologique. Indique-moi seulement la résidence de lord Simon Leonard Cornfield. Je dois le voir en premier.
     
    – Oh ! Oh ! C'est qu'on ne s'en vient pas à Cornfield Manor, sans être attendu, M'sieur le Pasteu' !
     
    – J'ai une lettre d'introduction de son cousin de New York, l'honorable Jeffrey Cornfield, mon garçon. Et puis, de plus grands seigneurs que lord Simon m'ont reçu, même des gouverneurs d'État, sais-tu ! ajouta-t-il avec impatience.
     
    Sharko, nullement impressionné, désigna d'un geste la route, bordée de palmiers, qui s'élevait en lacets au flanc de la colline.
     
    – Cornfield Manor est à deux bons miles d'ici, de l'autre côté de la montée.
     
    Lester, clignant de l'œil dans le soleil, évalua la pente, soupira et posa son sac à terre.
     
    – On ne voit point de cab sur ton port. Comment vais-je là-bas ? dit-il.
     
    – Vous n'avez qu'à monter sur ma charrette. Je va livrer ces tonneaux à Cornfield Manor. On vous portera avec, proposa Sharko.
     
    Non sans une grimace réprobatrice, le pasteur se hissa sur un tonnelet de whisky et l'attelage prit la route empierrée du Cornfieldshire.
     
    – Vous savez, dès l'enfance, le Conchy Jo, le nègre et le mulâtre sont tous, ici, de l'Église d'Angleterre. Nous avons un très bon ministre anglais, le révérend Russell, que tout le monde aime bien, prévint Sharko.
     
    – Sous le ciel, mon frère, il y a place pour plusieurs Églises, toutes vouées au service du Seigneur. C'est bien le cas dans le Massachusetts, dans le New York et même à Nassau, observa le pasteur.
     
    – Nous avons déjà quèques baptistes chez des nègres venus des Carolines, une famille de quakers qui rient jamais, un médecin luthérien et même un ermite catholique romain, qui vit là-haut sur la Chèvre, avec sa servante et les enfants qu'elle lui a faits, précisa Sharko en désignant la montagne.
     
    – Un prêtre catholique avec des enfants ! Mais sais-tu bien que l'Église de Rome, au contraire de la nôtre, exige le célibat de ses prêtres, mon garçon ! s'exclama le missionnaire, scandalisé.
     
    – Oh ! mais y sont pas mariés, M'sieur le Pasteu'. Manuela, c'est sa gouvernante, pas son épouse.
     
    – Ah ! ces papistes, quelle engeance !
     
    – Nous manque plus qu'un méthodiste, crut bon de remarquer finement le mulâtre.
     
    – Et bien, il ne vous manquera plus. Je suis méthodiste, de la doctrine de John Wesley, le fondateur du méthodisme, qui prononça quarante

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