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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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leurs dons à la seule Église anglicane, religion d'État, dont le chef était, depuis l'acte de suprématie de 1534, établi au bénéfice d'Henry VIII, le roi ou la reine d'Angleterre.
     
    Les coups portés au ritualisme par le gouvernement Disraeli ne pouvaient donc que déplaire à Cornfield, dans la mesure où cette action ne manquerait pas d'encourager, sous couvert d'antipapisme, les prétentions des Églises dissidentes les plus pugnaces.
     
    « Quoiqu'on décide, demain à Londres, l'Église anglicane conservera, sur mon île, sa position dominante et ses privilèges », avait-il déclaré au gouverneur.
     
    Comme la plupart des insulaires – Blancs, Noirs ou Indiens – de Soledad et de Buena Vista, Sharko se méfiait des pratiques autres que celles de l'Église d'Angleterre, dont les ministres acceptaient des fidèles de couleur qu'ils s'adonnent encore à d'inoffensives pratiques païennes, vénèrent leurs zemis, protecteurs tutélaires des Taino et des Arawak. Tous les pasteurs savaient que lord Simon exigeait, dans ce domaine, une extrême bienveillance, s'interdisant lui-même de critiquer les superstitions locales.
     
    Sharko, ce matin-là, donnait donc peu de chance de succès au projet du missionnaire américain.
     
    En arrivant devant les communs de Cornfield Manor, il conseilla au méthodiste, perché sur son tonneau, d'attendre qu'il eût annoncé la présence d'un visiteur à Pibia, le majordome de lord Simon. John Lester, estimant qu'un homme de sa qualité devait être dispensé d'une telle procédure, descendit de la charrette et fit mine de suivre Sharko. Aussitôt, l'un des aides le saisit par les épaules et l'immobilisa.
     
    – M'sieur Sharko, il a dit rester là, pas vrai ?
     
    – ïtez vos sales mains ! s'écria le pasteur, outragé.
     
    Contre toute attente, et bien qu'il fût d'humeur maussade, parce qu'une lettre de son petit-fils venait de lui ôter tout espoir de voir Pacal à Soledad cet été-là, lord Simon accepta de recevoir le missionnaire. Sharko accompagna le visiteur jusqu'à l'escalier de la galerie, sur laquelle apparut aussitôt le maître de Soledad. Après un bref salut, Cornfield invita le pasteur à le rejoindre. Prenant connaissance du message de son cousin Jeffrey, que lui tendit Lester, il trouva répugnante la moiteur de la lettre, extraite de la poche d'un homme en sueur. Sans commenter la recommandation de Jeffrey, il invita le visiteur à s'asseoir sur la véranda et ordonna à Pibia de servir du jus d'ananas.
     
    – Bien frais, car monsieur semble souffrir de la chaleur, précisa l'Anglais.
     
    – J'apprécierai certes une boisson fraîche, dit le méthodiste, intimidé par la prestance et l'attitude du vieux lord.
     
    – Ainsi, vous appartenez à l'Église méthodiste, une Église détachée de l'Église anglicane, à laquelle ici, à Soledad, nous sommes fidèles depuis Henri VIII, commença Cornfield.
     
    – Henri VIII, un roi six fois marié, qui fit décapiter deux de ses épouses et dont le seul mérite est d'avoir délivré l'Angleterre de l'influence de la papauté, parce que Rome lui refusait le droit de divorcer ! Pauvre référence ! observa le méthodiste.
     
    – C'était un grand théologien et nous autres, Anglais, lui devons notre Église réformée indépendante, rétorqua Cornfield.
     
    – Oh ! Peu de chose sépare notre Église de la vôtre. Nous croyons à la prédestination, à la justification par la foi et accordons le droit aux laïques de donner une instruction religieuse aux enfants. C'est tout, résuma Lester.
     
    Lord Simon émit un grognement, dans lequel un homme qui l'eût mieux connu que son visiteur eût deviné de l'agacement.
     
    – Nos trois pasteurs, sous l'autorité du révérend Russell, notre archidiacre, dispensent régulièrement, suivant les règles et principes de l'Église d'Angleterre, l'instruction qui convient à nos enfants qu'ils soient noirs, blancs ou descendant d'Indiens. Aussi, quand mon cousin Jeffrey, qui est, je crois, de votre Église, m'annonce que vous êtes ici pour créer une école méthodiste, je crains que votre zèle ne soit superflu et que votre déplacement ne se révèle inutile. Nous avons, à Soledad, tout ce qu'il nous faut en matière religieuse. Il n'y a rien à ajouter à cela, dit Cornfield.
     
    – Sans doute ; mais la liberté religieuse n'implique-t-elle pas que toutes les doctrines soient enseignées, afin que les croyants puissent,

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