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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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Marseillaise , l'hymne national français. Le président Wilson, qui souhaitait il n'y a pas si longtemps « une paix sans victoire », est aujourd'hui d'avis que, seule, une victoire peut apporter la paix. Après avoir obtenu du Congrès le financement de l'effort de guerre – on parle d'un milliard de dollars – Wilson a rappelé du Mexique le général John Pershing et l'a chargé, parce qu'il parle très bien le français, d'organiser un corps expéditionnaire. La conscription étant rétablie, vingt-quatre millions d'Américains, entre vingt et un et trente ans, sont en cours de recensement.
     
    » La formation d'un régiment de Harvard ayant été décidée, je me suis inscrit. Car, avant de pouvoir prétendre être admis dans l'aviation militaire, qui ne dispose que de soixante-dix avions d'école et trente pilotes, on doit apprendre le maniement d'armes et cette discipline qui, nous répète-t-on, « fait la force principale des armées ». Le Congrès a voté un crédit de six cent quarante millions de dollars, pour construire quatre mille cinq cents aéroplanes. J'ai donc une bonne chance de devenir un chasseur de plein ciel. En attendant, nous préparons le Graduation Day . Je compte sur votre présence et celle de parrain Thomas. »
     
    Lord Pacal, ayant approuvé l'enrôlement de son fils, dut aussi, avec plus de craintes, souscrire à celui de sa fille. Martha, qui venait d'obtenir son diplôme de médecin, se préparait à partir pour la France, où elle rejoindrait le service d'aide aux blessés créé par Anne Morgan, la fille du banquier John Pierpont Morgan, de New York.
     
    Le Bahamien tira quelque fierté de ces engagements où, se plut-il à penser, le sang français avait sa part et qui furent appréciés à Soledad, tel un geste de gratitude des petits-enfants de Charles Desteyrac pour l'ingénieur, dont le souvenir demeurait vivace, aussi bien dans le Cornfieldshire qu'au village des Arawak.
     
    Le mardi 18 juin, le premier Graduation Day de la guerre, au cours duquel mille trois cents étudiants reçurent leur diplôme, prit une signification particulière. Pacal découvrit que son fils, comme un millier de ses condisciples du Harvard Regiment , portait, sous sa robe noire, l'uniforme kaki des engagés volontaires. Après les discours, au Saunders Theatre, dont ceux du général Leonard Wood, ancien de la Harvard Medical School, héros de la guerre hispano-américaine, et du président de l'université, Lawrence A. Lowell, on se rendit au stade. C'est là que les volontaires, constitués en deux bataillons, furent passés en revue par les alumni , les anciens de Harvard. Dans les tribunes, les pères bombèrent le torse, les mères essuyèrent une larme et les demoiselles applaudirent. Avant la dispersion, la chorale des alumni interpréta le God Save the King et la Marseillaise . Tous les étudiants engagés pour la guerre avaient suivi l'entraînement dirigé par le lieutenant Jean Giraudoux, diplomate dans la vie civile, membre de la mission d'instructeurs envoyés aux États-Unis à la demande du gouvernement américain.
     
    Pour les étudiants amateurs de littérature française, Jean Giraudoux n'était pas un inconnu. Ils avaient lu plusieurs de ses ouvrages, dont Provinciales et L'École des indifférents . L'officier était arrivé à New York, le 26 avril, en compagnie d'autres instructeurs – dont le commandant Georges Méric, spécialiste des transmissions – et du philosophe Henri Bergson, venu donner des cours à Harvard University.
     
    Blessé une première fois, le 16 septembre 1914, « à l'aine dans l'Aisne », comme il se plaisait à le dire, et une seconde fois, à l'épaule, aux Dardanelles, le 21 juin 1915, le lieutenant Giraudoux était, de tous les officiers français, le plus estimé par les recrues, le plus assiégé par leurs sœurs et cousines, le plus choyé par leurs mères. Son charme de héros blessé, sa distinction Quai d'Orsay, son humour caustique et sa connaissance de la vie américaine 6 lui valaient l'attention de tous, dès son apparition au Harvard Club, et de nombreuses invitations à dîner.
     
    Ce jour-là, au cours du banquet traditionnel – le premier Bone Dry 7 , c'est-à-dire sans alcool, par respect pour la loi de prohibition, récemment votée –, George parla avec chaleur de Giraudoux.
     
    – Il ne se conduit pas en professeur armé, ni en instructeur autoritaire, plutôt comme un frère aîné, qui veut

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