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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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torpillages.
     
    Le 15 avril, cinq cents intellectuels américains, qui n'ajoutaient plus foi à ce genre de promesses, signèrent une protestation contre les méthodes de guerre allemandes et affirmèrent « leur espoir dans le triomphe du droit et de la civilisation ». Cet éclat permit à Maurice Barrès d'écrire, le 30 avril, dans l'Écho de Paris  : « Enfin, il est rompu le lourd silence américain. »
     
    Les Bahamiens, pour qui cette guerre était une lointaine turbulence, qu'ils considéraient, avec leur nonchalance habituelle, comme circonscrite à l'Europe, commencèrent à craindre des incursions de la marine allemande dans les Caraïbes. Une autre nouvelle les inquiéta davantage. Les États-Unis venaient d'acquérir, pour vingt-cinq millions de dollars, dans l'archipel des Vierges, des îles, propriété de la couronne danoise. D'autres îles des Vierges, propriété de la couronne britannique, n'étaient pas à vendre. Mais pour combien de temps ? se demanda-t-on, à Nassau comme à Soledad. Qu'adviendrait-il des Bahamas, où des millionnaires américains se comportaient déjà comme en terrain conquis ?
     
    Lors d'un voyage à Boston, pour assister au match de football qui opposait, chaque année, l'équipe de Yale à celle de Harvard 4 , où jouait son fils, Pacal fut témoin des derniers jours de la campagne pour l'élection présidentielle. Woodrow Wilson, le démocrate, président sortant, était opposé au républicain Charles Evans Hughes, considéré comme belliciste et anglophile.
     
    Les placards démocrates, publiés par le New York Times , proclamaient : « Si vous voulez la paix et la continuation de votre prospérité, votez Wilson. Si vous voulez la guerre, votez Hughes. »
     
    – Qui, de gaieté de cœur, peut vouloir la guerre ? demanda Pacal, qui trouvait l'argumentation démocrate fallacieuse et bassement démagogique.
     
    – Les bons bourgeois, qui ne voient pas plus loin que leur compte en banque, disent : « Il faut voter Wilson, il nous protège de la guerre », grommela George.
     
    – On ne fait la guerre que contraint et forcé, car c'est bien le pire des moyens pour assurer le triomphe d'une cause, fût-elle la plus juste, observa lord Pacal.
     
    – Au MIT, nous sommes prêts à suivre Theodore Roosevelt, l'ancien président. Il veut créer une division de volontaires, comme autrefois ses Rough Riders, qui firent merveille à Cuba. Il proteste contre la glorification naïve de la paix. Il a traité Wilson et ses amis d'agneaux bêlants, de couards, de pleutres. Il répète : « Le devoir d'abord, la sécurité ensuite. » Et, l'autre semaine, dans un discours à Lewiston, dans le Maine, il a donné un avertissement qui devrait être entendu : « Le jour où les vingt-cinq millions de combattants européens cesseront d'être des consommateurs, pour redevenir des producteurs, votre prospérité cessera. Votre peur de la guerre tourne à l'abjection. » Et il a dit que Wilson se comportait comme Ponce Pilate.
     
    Thomas Artcliff, qui accompagnait Pacal, approuva.
     
    – Il est vrai que l'actuelle prospérité tient à la guerre. En septembre, nos exportations ont atteint le chiffre record de cinq cents millions de dollars. Nous vendons, à la France et à la Grande-Bretagne, des céréales, du sucre, de la viande, de l'acier, du cuivre et même de la poudre à canon. La guerre en Europe est d'un bon rapport, pour tout le monde. Les salaires des ouvriers sont passés de cinq à quinze dollars la semaine. Les gens sont satisfaits et souhaitent que cela dure. Le succès de Wilson me paraît assuré, constata l'architecte.
     
    Son pronostic se révéla exact. Woodrow Wilson fut réélu, le 7 novembre 1916. Il l'emporta, de près d'un million de voix, sur Hughes. Les démocrates conservèrent la majorité, dans les deux chambres du Congrès.
     

    À vingt-trois ans, le fils de Pacal avait atteint une maturité exemplaire. Plus grand et plus fort que son père, stature d'athlète, démarche rythmée, cheveux blond roux, frisés, yeux clairs, teint hâlé par la pratique des sports de plein air, il offrait le type parfait du jeune Américain, viril et sûr de soi. Parmi les seniors qui quitteraient, comme lui, en 1917, la School of Architecture, où il avait suivi avec assiduité les cours de l'architecte français Despradelles, il passait pour le meilleur camarade, le plus rapide au base-ball et le plus actif séducteur de serveuses de

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