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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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votre maison, acheva Gladys Hamer, laissant libre cours à des larmes de gratitude.
     
    Avant de quitter New York, pendant que la gouvernante rassemblait sa mince garde-robe, lord Simon fit porter un message au notaire, l'informant que le défunt Jeffrey Cornfield devait deux années de gages à miss Hamer. La somme devrait être prélevée sur la vente des biens du de cujus . Il chargeait son avocat new-yorkais de suivre l'affaire.
     
    – Vous n'obtiendrez rien des créanciers. Ce sont des rapaces, commenta Gladys.
     
    – La loi est faite pour protéger les honnêtes gens des rapaces, jeta lord Simon.
     
    Puis il donna rapidement le signal du départ, comme s'il avait hâte de fuir cette demeure vide et décrépite, dont les murs ne montraient plus, ici et là, que des surfaces claires en place des tableaux disparus.
     

    La traversée de New York à Soledad finit en croisière nuptiale ! De la même façon que le doge de Venise, à bord du Bucentaure , épousait chaque année la mer en jetant une alliance dans l'Adriatique, lord Simon Leonard Cornfield, à bord du Phoenix II , jeta une guinée d'or dans les eaux bahamiennes. «  Desponsamus te, mare nostrum in signum veri perpetuique domini 7  », déclama-t-il avec emphase, confirmant ainsi son attachement à un archipel où les Cornfield avaient débarqué deux cents ans plus tôt.
     
    Quand le vapeur s'engagea dans le chenal nord-ouest de Providence, entre la côte américaine de Floride et les Bimini Islands, on vit le maître de Soledad, ragaillardi, passer ses journées sur le pont ou la passerelle.
     
    Ceux qui pénétraient pour la première fois l'archipel ne cachaient pas leur émerveillement. Tandis que le navire cinglait cap au sud, lord Simon nommait les grandes îles comme si toutes eussent été ses possessions. Albert Fouquet et Gladys Hamer, les plus éblouis, se faisaient répéter les noms à la sonorité exotique par Charles ou Pacal : Grand Bahama, Abaco Islands, Berry Islands, Andros Island, New Providence et, plus tard, Eleuthera, puis Cat Island, quand on toucha au terme du voyage. Même ceux à qui la vue de ces terres plates, répandues sur l'Océan aux transparences irréelles, était familière ressentaient, en ces lieux bénis, une émotion toujours renouvelée. Rocheuses ou verdoyantes, hérissées de palmiers et de palétuviers, désertes ou modestement peuplées, les îles semblaient encore protégées de la frénésie des bâtisseurs, des outrages des urbanistes, de l'exploitation mercantile de leur chair corallienne, de leur flore exubérante, de leurs vivantes ressources. La nature tropicale apparaissait intacte dans sa simple beauté originelle, reliquat biblique de l'Éden.
     
    – Nous sommes entrés dans une contrée peut-être inchangée depuis la Création. Si bien nommée Nouveau Monde par les premiers navigateurs, observa Fouquet quand apparut Soledad, faiblement dominée par le mont de la Chèvre.
     
    Déjà, des caboteurs et des pêcheurs avaient annoncé aux habitants de l'île le retour de lord Simon, à bord d'un grand yacht blanc, dont la cheminée crachait une fumée grise, visible à plusieurs miles. Quand le navire se présenta à l'entrée du port occidental, Maitland fit monter aux mâts tous les pavillons du bord. Ce fut sous grand pavois que le Phoenix II , applaudi par la foule des curieux et tout ce que l'île comptait de marins, aborda le nouveau quai de pierre, construit à son intention. Lors de l'accostage, Lewis Colson, qui, au cours du voyage, avait sympathisé avec John Maitland, reconnut la maîtrise de l'ancien officier de la Navy et l'en félicita.
     
    Tom O'Graney, qui se tenait sur le pont, prêt à faire abattre l'échelle de coupée, admit lui aussi que les ordres du commandant avaient été précis, avec toutefois une restriction qu'il souffla à l'oreille de Charles.
     
    – Manque à cette arrivée la vivacité et l'élégance manœuvrière de Colson, quand il commandait l'accostage sous voiles du premier Phoenix . Il est vrai que la vapeur interdit l'art de la manœuvre, reconnut, avec une moue de dépit, le charpentier, ardent défenseur de la marine à voile.
     

    Quelques jours suffirent aux insulaires pour se réinstaller dans leurs pénates et reprendre un rythme de vie singulièrement plus lent et détendu que celui qu'ils avaient connu en Europe.
     
    À Fouquet, qui dit bientôt reconnaître chez les Arawak et autres indigènes l'indolence qui l'avait si fort

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