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Un paradis perdu

Un paradis perdu

Titel: Un paradis perdu Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Maurice Denuzière
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bras pour me faire connaître l'intime plaisir des sens, ce fut pour moi comme une seconde naissance, murmura-t-elle.
     
    – La lady Ottilia de la première rencontre a donc péri dans un incendie des sens, comme le voilier dans le feu d'un calfat, lança Charles, abandonnant le ton grave.
     
    – Certains jours, grâce à l'amour que vous avez inventé, je me demande même si elle a jamais existé, acheva Ottilia.
     

    Après une traversée sans aléas, qui permit à lord Simon, au commandant John Maitland, aux passagers et à l'équipage d'apprécier l'excellente tenue à la mer du vapeur à hélice, l'escale de New York doucha l'euphorie du voyage.
     
    Pendant que Pacal s'empressait de rendre visite à son ami Artcliff, tandis qu'Albert Fouquet se lançait avec le second, Andrew Cunnings, à la découverte de New York, guidé par l'écrivain de marine Joseph Balmer, familier de la ville, lord Simon, suivi de Charles et Ottilia, se rendit à Washington Square pour saluer Jeffrey Cornfield. Apposé sur la façade de l'hôtel particulier, un panneau retint leur attention. Il annonçait la mise en vente aux enchères de la maison.
     
    – Cela ne me dit rien qui vaille, grommela lord Simon.
     
    En leur ouvrant la porte, la gouvernante, Gladys Hamer, ne put retenir une exclamation de soulagement.
     
    – Vous voilà, enfin, my lord .
     
    Avant même que les visiteurs se soient avancés dans l'entrée dépourvue de meubles et même d'une patère où suspendre leur chapeau, tous avaient compris que la ruine de Jeffrey Cornfield était consommée. Non seulement sa ruine mais sa vie, comme le leur apprit la gouvernante.
     
    – Sir Jeffrey est mort il y aura trois semaines demain. Il s'est couché un soir après avoir avalé tout le contenu d'un tube de pilules prescrites par le médecin pour soutenir son rythme cardiaque. En quantité, ce remède était un poison et sir Jeffrey le savait. Ce n'est que le lendemain matin, quand j'apportai le petit déjeuner que je le trouvai sans vie. Il avait décroché du mur le portrait de sa défunte épouse et l'avait posé sur l'oreiller, près de sa tête. Il a voulu quitter la vie en compagnie de celle qu'il n'a jamais cessé d'aimer, acheva Gladys, incapable de retenir un sanglot.
     
    – A-t-il laissé un message, une lettre ? demanda lord Simon.
     
    – Rien, my lord . Il est parti sans un mot pour vous, ni pour ses filles, ni pour moi. C'est désolant, n'est-ce pas ?
     
    – Désolant, confirma Ottilia.
     
    Elle prit le bras de celle qui, depuis des années, assurait sans gages le service du banquier ruiné. Gladys gérait la vie quotidienne avec la somme que, chaque mois, lord Simon faisait virer à son compte. Les modestes économies de cette femme avaient payé les funérailles de son maître, qu'elle avait voulues dignes de ce qu'il avait été.
     
    – Ses filles étaient là, j'imagine, demanda Simon Leonard.
     
    – Dès que j'ai trouvé sir Jeffrey sans vie, j'ai fait prévenir Lyne et Edna par un commissionnaire. Elles sont arrivées l'après-midi. Elles ont vidé la maison des derniers meubles qui nous restaient et emporté les quelques bibelots que je cachais aux huissiers.
     
    – Et Ann, demanda Charles.
     
    – Je lui ai envoyé un télégramme à Chicago. Elle est venue avec moi à l'enterrement et n'a emporté que le portrait de sa mère. Elle m'a dit qu'elle abandonnait tout à ses sœurs, qui ont aussitôt fait mettre la maison en vente. L'argent qu'elles en tireront ne suffira pas à régler les dettes. Elles auront une mauvaise surprise, je le crains. Le notaire m'a autorisé à rester ici pour faire visiter la maison aux acheteurs. Quand elle sera vendue, je ne sais pas où j'irai. À mon âge, j'aurai du mal à trouver une place de gouvernante, dit Gladys, accablée.
     
    – Si vous le voulez, je vous emmène à Soledad, Gladys. Vous tiendrez notre maison et aurez autorité sur la domesticité. Voulez-vous venir avec nous ? dit lady Ottilia.
     
    – Si vous acceptez la proposition de ma fille, proposition sensée, vous aurez à faire rapidement vos bagages. Nous ne comptons pas nous attarder à New York, précisa lord Simon.
     
    – Plus rien ne me retient ici. Je n'ai plus de famille, d'ailleurs je n'en ai jamais eue. J'ai servi Madame, puis sir Jeffrey, pendant plus de trente ans. J'avais quatorze ans quand je suis entrée dans cette maison pour faire l'argenterie. Je suis prête à vous suivre pour m'occuper de

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