Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
vers compère Lunettes, et, le désignant : « Eh bien, j’accuse à mon tour ! Je t’accuse, Dulimbert, ce tout ce que je viens d’énumérer. J’ajoute, citoyens, que ce mauvais frère, abusant de l’emploi où il s’est glissé, à la surveillance de la poste, a violé nos correspondances pour tâcher de nous compromettre. Je puis prouver qu’il a intercepté, entre autres, des lettres de Xavier Audouin. Décelé, il s’est enfui pour venir dans cette enceinte répandre sur nous des calomnies empoisonnées. Je demande que vous le chassiez de votre sein. »
    Préat fut applaudi, Guillaume, couvert de huées. Audouin arrêta ce tapage en déclarant : « Je remercie le citoyen Préat de l’intérêt qu’il prend au respect de ma correspondance ; mais, n’ayant rien à cacher, je ne crains nullement qu’elle soit lue par des tiers. Seule, une mauvaise conscience peut s’offusquer de ces investigations, légitimes à tout prendre. Nos frères de Limoges s’estiment-ils si purs, sont-ils si sûrs les uns des autres, que leurs lettres n’aient pas besoin d’être surveillées ? Le citoyen Dulimbert, je crois le savoir, a découvert, dans certaines missives envoyées ou reçues par quelques-uns de ces patriotes insoupçonnables, des choses bien faites pour justifier sa défiance. »
    L’ex-évêque Gay-Vernon intervint. « Nous avons entendu Préat, dit-il, il faut entendre Dulimbert. C’est la plus élémentaire justice. » Il en fut ainsi décidé, mais compère Guillaume bredouilla qu’on le prenait de court : il n’était pas préparé à réfuter des accusations si perfides, il demandait un peu de temps pour présenter sa défense.
    On lui accorda quatre jours, et comme la séance de ce soir devait être consacrée à l’épuration, on examina la conduite de Fabre d’Églantine. Les Hébertistes se déchaînèrent contre lui ; ils ne lui pardonnaient pas de les avoir impliqués, avec Proli, Desfieux, Dubuisson, Pereyra, dans le complot de l’Étranger. Ils ne parvinrent point cependant à prouver qu’il fût lui-même réellement compromis dans l’affaire de la Compagnie des Indes. Chabot ne lui ayant pas remis les cent mille livres destinées à le soudoyer, il bénéficiait du doute. Il fut finalement confirmé comme membre du club, après avoir frôlé l’expulsion. Danton l’avait défendu courageusement, et Claude en fut ému.
    Quatre jours plus tard, l’homme aux lunettes présenta sa défense, fort adroitement. Conseillé par Claude, il déclara d’abord que le patriotisme, le républicanisme de Préat ne souffraient pas discussion. « Je n’ai jamais eu l’intention de l’attaquer là-dessus, pas plus que sur son indubitable honnêteté. Ce que je lui reproche, nous le verrons tout à l’heure. Je commencerai par répondre à ses propres imputations. »
    Sur quoi, l’ancien moine fit brièvement l’historique de sa vie. Il raconta comment il avait été malgré lui confiné dans un couvent, quelles peines il avait eues à obtenir la restitution de ses vœux, quelles vexations policières il avait subies une fois rendu au siècle, et comment enfin la fréquentation des philosophes lui avait valu une longue détention à la Bastille. Fuyant la tyrannie, il s’était réfugié juste au-delà du Rhin. « En Prusse, oui, eh bien, Voltaire lui aussi a cherché un refuge en Prusse, et nul ne l’a soupçonné pour cela. Préat me reproche d’avoir abandonné mon pays. Vous venez d’en entendre la raison. Préat me reproche d’être retourné à Limoges au début de la Révolution. C’est elle, c’est l’ère de la liberté qui me rendait possible ce retour. Après une existence difficile, je suis allé chercher dans ma ville natale la paix, la tranquillité propres aux travaux de l’esprit. Voilà pourquoi je ne brigue point les emplois en vue, mais j’ai demandé, pour servir la république, les modestes fonctions qui conviennent à mes capacités. » Sur l’ouverture des correspondances, il reprit l’argument fourni par Xavier Audouin et le développa très adroitement. Il ne cherchait point, dit-il, des armes contre ses collègues, il estimait seulement que la pensée comme les actes de tout citoyen, fût-il Cincinnatus en personne, devait être soumise à la surveillance de ses frères. « L’Incorruptible Robespierre n’a-t-il pas lui-même institué l’épuration permanente de notre Société ? N’a-t-il pas exigé de la subir ? »
    Ce bon

Weitere Kostenlose Bücher