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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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s’amusaient, sans imaginer ses angoisses.
    Elles atteignaient au plus haut point en ce moment, avec la crainte de la visite aux barrières. L’examen y serait bien pire que partout ailleurs. Assurément, les gardes voudraient voir tout le monde, ils fouilleraient à fond la voiture. La dernière lieue fut la plus torturante. Avoir surmonté tant d’obstacles, réussi à parvenir si près de Marguerite, pour se faire prendre à l’instant de la revoir peut-être !… L’espérance fébrile et le désespoir se partageaient l’âme du hors-la-loi. En approchant de la barrière d’Enfer, on vit, devant la grille entre les deux pavillons jaunâtres, tout un amas de véhicules qui s’écoulait lentement. Leur nombre même semblait interdire une fouille soigneuse. En effet, le poste n’examinait que les sortants. Aux entrants, on ne demandait pas même les passeports. Louvet pénétra dans Paris sans avoir à se dissimuler. Cinq minutes plus tard, la berline s’arrêtait devant les Chartreux, au milieu de la rue d’Enfer quasiment déserte. Avec émotion, Jean-Baptiste remercia mille fois ses compagnons de voyage, les assurant que sa femme et lui se souviendraient toujours de ce qu’ils leur devaient. Il donna cent livres et sa montre en or au bon Champalimaud, le chargea de ses bénédictions pour Cibot, essentiel artisan de son salut. Pendant ce temps, le dragon poussait la bienveillance jusqu’à lui chercher un fiacre avec lequel il revint.
    « Adieu, camarade, dit-il. J’aime les braves, soldats ou non. »
    Il était trois heures après midi lorsque le fiacre déposa Louvet à quelques pas de la maison amie dans laquelle Lodoïska devait se trouver si elle vivait encore. Il tira fiévreusement la sonnette. Ce fut le jeune fils d’un député montagnard qui lui ouvrit. Louvet s’enfuit, affolé. Au bas de l’escalier, il se ressaisit et, voyant une servante prête à entrer dans la maison, il se renseigna auprès d’elle. Elle lui apprit que les précédents locataires avaient déménagé, ils habitaient un peu plus loin. Il y courut. Non, Marguerite n’était ni morte ni en prison. Du seuil, il entendit sa voix, s’élança en l’appelant. Elle poussa un cri et tomba dans ses bras. Mêlant baisers et larmes, les deux amants oublièrent tout pendant un instant, dans leur joie déchirante. Ils reprirent conscience pour voir autour d’eux des mines empruntées. Ils étaient pourtant chez de vieux amis du père de Louvet, des gens que lui-même considérait comme de sa famille. Ils n’avaient pas hésité à recueillir sa femme. Mais avec lui la peur entrait dans leur maison. Sous un prétexte hypocrite, ils la quittèrent, et bientôt firent dire à Jean-Baptiste qu’ils lui donnaient une heure pour déguerpir.
    Heureusement, il existait à Paris aussi des Mac Dougan, des Cibot, des Champalimaud. Louvet et sa femme furent reçus dans plusieurs asiles successifs durant les dix jours qu’elle employa, en usant de certaines complicités, à louer, sous son nom de jeune fille, un appartement et à y ménager elle-même, comme elle avait déjà fait à Penhars, une cache où Jean-Baptiste pourrait échapper aux visites domiciliaires.

XII
    Au moment où Louvet rentrait dans Paris, un beau tapage éclatait à Limoges. Les membres des comités et du club avaient mis cinq mois à découvrir que leur collègue, l’homme aux lunettes, profitait de ses fonctions à la surveillance de la poste aux lettres pour lire tout particulièrement leur correspondance. Aucun n’étant sûr de n’avoir pas écrit ou reçu, pendant ces cinq mois, quelques lignes sur lesquelles on ne pût l’accuser d’une chose ou d’une autre – il existait tant de motifs de suspicion ! – tous se montraient furieux, et d’autant plus qu’ils avaient plus à craindre.
    Préat était enragé. D’abord, il ne pouvait pas, physiquement, souffrir compère Lunettes. Bel homme, vif dans ses manières comme dans ses idées, plein d’appétits qu’il ne cachait point, galant avec les citoyennes, sensible à la beauté et véritable artiste dans son artisanat, le peintre sur porcelaine nourrissait une aversion d’instinct pour l’ex-moine, sa laideur, sa papelardise, ses façons souterraines. Et puis cet horrible individu venait de lui jouer un tour. C’est du reste comme ça qu’il avait trahi ses agissements.
    Brutus Préat correspondait depuis peu avec un certain Brigueil en affaire avec M. Mounier pour l’achat de la

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