Un vent d'acier
Père Duchesne, pour remporter la victoire que le peuple attend de nous, la victoire sur les ultra-révolutionnaires comme sur les citra-révolutionnaires, sur tous les intrigants, les fripons, les ambitieux, sur tous les ennemis du bien public ? Prenez garde : l’anarchie, en rendant tous les hommes maîtres, les réduit bientôt à se donner un maître. »
Enfin, le polémiste concluait par ces considérations rassurantes, et adroites : « Le Comité de Salut public, ce Comité sauveur, a porté remède à l’anarchie. Dans son discours sur le gouvernement révolutionnaire, Robespierre a su arrêter le torrent de la décomposition politique, qui entraînait, déracinés, citoyens et principes, en jetant l’ancre lui-même aux maximes fondamentales de notre Révolution. »
Philippeaux, dans sa brochure contre les nouveaux Enragés, dénonçait, lui aussi, des malversations hébertistes. « Le muscadin Hébert, qui a su se travestir d’une manière si originalement grotesque dans sa feuille du Père Duchesne, puise à discrétion dans le trésor national, sous les bienveillants auspices du monarque Bouchotte. Dans le seul mois de septembre, il en a reçu soixante mille livres pour faire son éloge et celui de ses commis. M. Hébert gagne son argent, mais le peuple ne sera pas longtemps dupe de ce jongleur hypocrite qui le gruge pour élever un piédestal à ses oppresseurs et à ses bourreaux. Des voiles horribles se déchireront et M. Hébert ira à la guillotine. »
Loin d’écouter Danton, associé à Robespierre pour condamner cette guerre de pamphlets, Philippeaux tournait tout en arme contre les ultras. Il rapportait les propos tenus par plusieurs d’entre eux au cours d’un dîner. « Un être que, le croyant honnête homme, j’avais secouru dans l’adversité, vint me prier d’un repas fraternel qu’il donnait à ses bienfaiteurs. Je résistai trois jours de suite, car je n’aime pas manger chez les autres. Enfin je me laissai vaincre et me rendis au lieu marqué, rue Neuve-des-Petits-Champs. J’y trouvai, avec Levasseur et Bouteroux, plusieurs visages inconnus, tels qu’Hébert, Vincent, Daubigny, Sijas, adjoint du ministre de la Guerre, deux ou trois épauletiers, Chaumette, procureur de la Commune, et un muscadin que tous mes concitoyens virent, en 1790, cracher au visage des patriotes ; c’était une sorte de guet-apens. Après une demi-heure de conversation indifférente, Vincent m’assaillit d’outrages et de menaces sur le décret que j’avais fait rendre contre Ronsin et Rossignol. Je répondis que des fripons ou des traîtres pouvaient seuls me reprocher cette action civique. Là-dessus, Hébert et les épauletiers firent chorus avec Vincent. Celui-ci osa me dire, d’un ton impudent : « Je t’ai dénoncé aux Cordeliers, nous avons fait justice de la commission et nous saurons faire abouler les députés qui, comme toi, oseraient critiquer la conduite des généraux investis de notre confiance. » À ce propos atroce, que personne ne releva et qui fut assaisonné d’imprécations, je me crus transporté à Coblentz. Je reprochai à l’hôte de m’avoir fait trouver au milieu de ces contre-révolutionnaires et je sortis promptement de ce séjour infect. »
Hébert répliqua, dans Le Père Duchesne, par une bordée de grossièretés contre les « Philippotins, vils excréments du royalisme et du brissotisme, sortis de la fange du Marais. Je suis accusé par Philippeaux d’être un muscadin à la solde de l’Angleterre, pour avoir rivé son clou à ce Philippeaux dans un dîner patriotique où il était venu écrémer la marmite sans être prié, et pour l’avoir rembarré de la bonne sorte lorsqu’il osa dire en ma présence que les Jacobins étaient des scélérats et qu’il les ferait sauter. Il s’est permis d’imprimer que Bouchotte vide la caisse nationale pour me graisser la patte. Si je suis un homme vendu, le brave Xavier Audouin, Duval, rédacteur du Républicain, Rougyff le sont donc comme moi. Marat l’était aussi. Pour chauffer mes fourneaux, on sait bien qu’il me faut de la braise, foutre ! »
Le dernier jour de décembre 93 – primidi 11 nivôse selon le calendrier républicain, auquel on avait du mal à s’adapter – Jean Dubon, guéri et retourné depuis deux jours à la Commune, vint au pavillon de l’Égalité, voir Claude avant la séance de relevée de la Convention. Dubon avait acquis la certitude qu’Hébert,
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