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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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qui nous importe, c’est de savoir si les accusations de Philippeaux sont fondées. Voilà ce qu’il faut éclaircir. Le but de la Révolution est le triomphe de l’innocence. »
    Danton affectait une sérénité dont il était assurément fort loin. « Laissons cela à la guillotine de l’opinion, dit-il, sacrifions nos débats particuliers à l’intérêt général. » On ne lui accorda nulle attention. Si la Convention l’écoutait encore et l’applaudissait parfois, aux Jacobins il ne comptait plus. On entendit une foule de témoignages contradictoires sur la conduite de Ronsin, de Rossignol, de Bouchotte, puis on arrêta cette audition qui sombrait dans la confusion et l’indifférence. On remit à la prochaine séance la défense de Philippeaux, Desmoulins et Fabre d’Églantine.
    Ce soir-là – le surlendemain –, quand ils furent appelés à la tribune, aucun d’eux ne se présenta. Déjà, le matin, à la Convention, Choudieu avait démontré que la plupart des allégations de Philippeaux étaient inexactes, et déclaré : « S’il n’est pas fou, c’est le plus grand des imposteurs. » Stanislas Maillard, dans une brochure intitulée : Le voile tombe et le calomniateur est découvert, avait prouvé que les accusations de Fabre contre lui étaient forgées de toutes pièces. Quand l’appel aux défenseurs eut été répété en vain pour la troisième fois, Robespierre constata : « Ceux qui ont provoqué la lutte fuient le combat. Laissons juge l’opinion publique. » Danton maintenait difficilement son masque de sérénité. Soudain Camille arriva. Il parut à la tribune, inquiet, hésitant, le teint bilieux, la chevelure négligée. Il confessa qu’il avait cru de bonne foi aux révélations de Philippeaux. Ne connaissant pas personnellement le commissaire en Vendée, il s’était fié à ce qu’en disaient ses collègues Bourdon de l’Oise et Goupilleau. « Aujourd’hui, je… je m’aperçois que Philippeaux a… a… altéré la vérité. Je… je ne sais plus où j’en suis, je n’ai plus d’avis sur la question. »
    Dans l’intention évidente de terminer l’affaire en ce qui concernait Desmoulins, de le tirer de là, Robespierre déclara : « Le caractère de Camille est connu. La liberté doit le traiter comme un enfant étourdi qui a touché à des armes dangereuses et en a fait un funeste usage. Il faut simplement l’engager à quitter les mauvaises compagnies dont il subit l’influence. » D’un ton à la fois badin et dédaigneux, Maximilien poursuivit : « Il faut le garder avec nous et sévir contre ses écrits que Brissot lui-même n’eût pas désavoués, les traiter comme les aristocrates qui s’en repaissent. Je propose que ses numéros soient brûlés incontinent. »
    On rit, on applaudit ; tout cela n’était pas méchant. Robespierre oubliait que Brissot, après des années d’amitié, avait provoqué la fureur de Desmoulins en le qualifiant simplement, sur ce mode dédaigneux, de « jeune homme ». Claude sentit monter la colère de Camille, absolument blême à présent, les mains tremblantes. D’un trait, sans le moindre balbutiement, il lança :
    « Fort bien dit, Robespierre. Mais je te répondrai comme Rousseau : Brûler n’est pas répondre. »
    Maximilien à son tour se cabra. Redressant sa petite taille, serrant les lèvres :
    « Apprends, Camille, dit-il d’une voix acide, que si tu n’étais pas Camille, on pourrait ne pas avoir tant d’indulgence pour toi ! La façon dont tu prétends défendre des feuilles qui font les délices des contre-révolutionnaires prouve de mauvaises intentions.
    — Mes… mes intentions, tu les connais. Je… j’ai été chez toi, je t’ai lu mes numéros.
    — Je n’en ai écouté qu’un ou deux, j’ai refusé d’entendre les autres. »
    Mal à l’aise, Claude craignait d’envenimer la querelle s’il s’adressait en public aux deux interlocuteurs. Danton intervint, sur la pointe des pieds.
    « Camille ne doit pas se froisser des leçons un peu sévères que Robespierre vient de lui donner, l’amitié seule les dicte. Citoyens, que la justice et le sang-froid président toujours à vos décisions. En jugeant Desmoulins, prenez garde de porter un coup funeste à la liberté de la presse. »
    Bien, Georges, très bien ! fit Claude en lui-même. Il y avait des moments, comme celui-ci, où ce gros taureau, parfois si fin, si sensible, reconquérait malgré tout sa

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