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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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allons nous caler l’estomac, nous ferons ton affaire ensuite. Ce sera réglé en un quart d’heure. »
    Effectivement, toutes les difficultés qui n’avaient cessé de se resserrer sur le pauvre Kerverseau se relâchèrent en quelques minutes, comme par miracle. Il eût sans la moindre peine obtenu aussi bien un certificat de confiance pour séjourner dans la capitale, mais il était écœuré de Paris. Dès le lendemain, à huit heures du matin, il reprit la diligence, en songeant à ce que devait être l’existence des véritables suspects, quand on rendait la vie si difficile à un citoyen auquel ne manquait qu’un malheureux visa.
    Bien des gens traqués, cachés dans Paris, les connaissaient, les affres de cette existence. Louvet la menait, dans le logement au fond duquel sa femme lui avait ménagé une retraite soigneusement dissimulée où il courait s’enfouir aux premiers tintements de la sonnette. Elle résonnait peu souvent, et presque toujours elle annonçait simplement quelque voisine ou la portière. Nul ne soupçonnait la présence d’un homme dans l’appartement garni d’épais tapis, tout calfeutré de tentures pour étouffer les pas, les bruits. Lodoïska avait amené Jean-Baptiste pendant la nuit. Elle passait pour fille, nouvelle venue à Paris où elle ne possédait ni parents ni relations. Cela lui permettait de n’ouvrir qu’après avoir demandé qui était là. Louvet en profitait pour disparaître dans sa cachette ; il s’y enfermait aussi quand Lodoïska sortait. Il disposait d’un siège, d’une petite table avec du papier, de l’encre, des plumes et d’une réserve de livres. Il écrivait ou lisait en attendant le signal libérateur. Personne n’aurait pensé qu’une cache se trouvait là. Plusieurs fois, les commissaires de la section, procédant à la visite périodique des logements, étaient passés devant ce retrait sans y prendre garde. Mais ils agissaient par simple routine, ils ne donnaient qu’un coup d’œil. Il en irait tout autrement si la défiance s’éveillait, la cache n’échapperait pas à de véritables recherches.
    Sans doute, Louvet et sa Marguerite, en dépit de leurs alertes, jouissaient-ils du suprême bonheur d’être ensemble. Depuis Penhars, ils avaient été sevrés l’un de l’autre ; ils se rattrapaient : revanche de l’amour sur la cruauté du temps. Revanche traversée d’anxiété, de douleurs causées par la mort de tant d’amis dont les journaux leur apprenaient la fin tragique. Clavière se poignardait, à la Conciergerie ; désespérée, sa femme s’empoisonnait. Rabaut-Saint-Etienne, caché lui aussi dans Paris, et vendu par une servante qu’il avait crue de confiance, était exécuté ; sa femme, résolue à le suivre, se tirait une balle dans la tête après s’être assise sur la margelle d’un puits afin de mourir noyée si elle se manquait. Boisguyon, le jeune Custine, Valady enfin, arrêté aux environs de Périgueux alors qu’il marchait sur les traces de Louvet, périssaient tour à tour place de la Révolution. De Pétion, de Barbaroux, de Buzot, aucune nouvelle. Ils devaient vivre encore dans la Gironde où Tallien, proconsul à Bordeaux, ne semblait pas les rechercher bien activement.
    Lodoïska et son Jean-Baptiste étaient déterminés à ne point se survivre, eux non plus. Chaque nuit leur apportait, avec les joies des amants, l’angoisse d’entendre soudain résonner à la porte les coups annonçant une perquisition. Car, malgré tous les soins, le soupçon ne pouvait pas ne point finir par s’éveiller. Il n’était pas normal qu’une aimable personne comme Lodoïska menât une existence si retirée, pas croyable qu’elle ne se fît aucune relation, pas possible qu’on ne vît là rien de suspect. Pour se procurer la nourriture de deux personnes, avec une seule carte de viande, même en s’imposant des privations, il lui fallait recourir à mille ruses dont la portière, les voisines ne seraient pas toujours dupes. Quand tout, ou presque, était crime, il suffisait de bien peu pour provoquer la méfiance, et dès lors !…
    Pendant ce temps, Danton, bien à l’aise, lui, dans son appartement de la cour du Commerce, avec une table abondamment garnie, et sa jeune femme ravissante, n’échappait pas néanmoins à l’inquiétude. Il s’énervait, ne concevait pas les succès du Comité auquel il avait prédit les pires désastres, et qui poussait hors des frontières ses armées

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