Un vent d'acier
résistance. « En conclusion, écrivait-il, je vous donne l’assurance formelle, citoyens, qu’il n’y a plus rien à craindre dans cette partie de la république. »
« Eh bien, dit Barère à Claude, quand tu choisis un général, tu as la main heureuse, il faut le reconnaître.
— Je sais à qui je fais confiance, voilà tout. Si vous m’aviez suivi quand je voulais mettre Delmay à la tête de l’armée du Nord, au lieu de votre général Moustache, elle n’en serait pas à piétiner au camp de César au lieu de secourir Valenciennes. »
L’avantage remporté par Malinvaud permettait à Claude de réaliser cette « surprise » dont il lui avait parlé en l’expédiant contre Wimpffen. Il s’agissait de tout un plan. Depuis l’envoi de Custine à l’armée du Nord, celles du Rhin et de Moselle se trouvaient associées sous le commandement de Beauharnais qui n’en tirait aucun parti. Claude proposa de confier l’armée du Rhin à Bernard avec mission impérieuse de débloquer Mayence. Et on lui enverrait Malinvaud comme adjudant-général. Ces deux hommes avaient montré, ensemble puis séparément, ce dont ils étaient capables. On pouvait beaucoup espérer d’eux, de nouveau réunis.
Saint-Just et Couthon, tout disposés en faveur du frère et ami Delmay, soutinrent la proposition. Gasparin, responsable des affaires militaires, n’y mit nul obstacle. Elle fut adoptée sur-le-champ avec la bénédiction du ministre de la Guerre, Bouchotte, accusé en ce moment par les Dantonistes, et sous le coup d’un décret de destitution. Il n’allait certes pas s’opposer à la nomination d’un général, sans-culotte comme lui. Du même mouvement, Jourdan monta d’un grade pour prendre le commandement de la division légère que Bernard allait abandonner en quittant l’armée du Nord, comme il lui avait déjà succédé à la tête de la brigade. Il s’y était montré à son avantage. Et puis, c’était lui aussi un solide montagnard. Bouchotte fit expédier les ordres à l’instant. La garnison de Mayence, qui résistait depuis trois mois, pouvait être encore sauvée par une armée de secours opérant avec vigueur sur les arrières de Frédéric-Guillaume, mais à présent la tranchée était ouverte et la ville ne tiendrait plus très longtemps.
Cependant, la mort de Marat agitait tout ce qu’il y avait de sans-culottes dans Paris. Aux Jacobins, où Laurent Bas ne tarissait pas sur l’exploit qu’il avait accompli en se jetant sur « le monstre femelle », on demandait que, sans attendre le délai fixé par la loi, l’Ami du peuple fût porté au Panthéon. Quelqu’un proposa de le promener de département en département pour que tous les patriotes pussent vénérer ses restes. Maximilien mit un terme à ces surenchères en déclarant : « Ce n’est point aujourd’hui qu’il faut donner au peuple le spectacle d’une pompe funèbre, mais quand, enfin victorieuse, la république affermie nous permettra de nous occuper de ses défenseurs. » Les Cordeliers avaient demandé et obtenu l’autorisation de conserver le cœur de Marat. Son corps embaumé, la poitrine découverte montrant sa blessure, fut exposé dans l’église du couvent, sur un catafalque tricolore où toutes les sections vinrent le couvrir de fleurs et de discours. David avait été chargé d’ordonner les funérailles.
La cérémonie commença le mardi à cinq heures du soir et dura bien après minuit. Claude y assistait avec toute la Convention. Elle suivait le catafalque roulant, tiré par douze hommes, entouré de jeunes filles en blanc, de jeunes garçons portant des branches de cyprès. Derrière la Convention, venaient les autorités en corps, puis la foule des sections sous leurs drapeaux. Au son du canon et des hymnes patriotiques, dans un étouffement de chaleur et de poussière, l’immense cortège, parti des Cordeliers, descendit jusqu’au Pont-Neuf, traversa la Seine. Lise, des fenêtres de sa belle-sœur, le vit s’allonger pendant plus d’une heure. Par le quai de la Ferraille, il prit le Pont-au-Change pour remonter au Théâtre-Français d’où l’on rejoignit enfin le jardin des Cordeliers. Les illuminations, commencées trop tôt, défaillaient. Ce fut à la lueur mouvante des torches que l’on prononça les discours sur le cercueil ouvert, déposé à l’entrée du tombeau. C’était, au milieu du parterre, une montagne de rochers formant grotte. Le peuple, très
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