Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
Vom Netzwerk:
montagnards et les exterminer un à un. Elle avait essayé de tuer le citoyen Legendre. Les commissaires lui faisaient avouer ses crimes. On connaîtrait tous ses complices : les ci-devant députés restés à Paris, et bien d’autres dans le côté droit de la Convention. On racontait aussi que le sang de Marat, âcre à cause de sa maladie, s’étant corrompu sitôt écoulé du corps, obligeait à de grandes précautions. Les gens lointains, voyant danser sur les façades les lueurs de quelques torches dont s’éclairaient les gardes, disaient que l’on brûlait des aromates pour purifier l’air.
    Vers minuit, des soldats sortirent. Leur apparition provoqua un brouhaha, des poussées. On allait voir enfin. Ils firent dégager le fiacre qui demeurait toujours là, de l’autre côté de la rue, secoué, noyé dans la bousculade. Il se rangea devant la maison. Les deux vantaux s’ouvrirent alors. On aperçut sous le porche, au milieu de lumières haut levées, un groupe d’hommes à écharpe avançant entre les uniformes, les baïonnettes, avec une femme en robe claire, le chapeau cabossé, les mains liées derrière le dos. Une immense exclamation l’accueillit. Elle s’arrêta et parut faiblir. Deux des hommes la soutinrent, la soulevèrent à demi, la poussèrent dans la voiture. Deux autres montèrent avec eux, la portière claqua. Entouré par les gardes, le fiacre se mit en route pas à pas vers la prison de l’Abbaye.
    Claude était encore dans la maison. Les médecins ne laissaient pas entrer dans la chambre où, effectivement, ils consumaient du benjoin ; on en respirait partout la puissante odeur. Il gagna le cabinet tragique en songeant aux confidences que Marat lui avait faites ici. La baignoire était vide, le sol de briques déjà sec avec cette chaleur, mais des taches roussâtres détrempaient le fond crème de la tenture. Entre les colonnes en trompe l’œil, se voyaient toujours la carte de France et, de l’autre côté – celui-là même d’où était venu le coup – l’inscription en grandes lettres : la mort.
    En rentrant rue Saint-Nicaise, à minuit trois quarts, Claude trouva sa femme veillant, très anxieuse. Elle n’aimait point Marat lui-même ni ses outrances, mais l’événement la bouleversait.
    « Quelle affreuse chose ! Que ne va-t-il pas arriver maintenant ? J’ai peur, Claude ! » murmura-t-elle en se serrant contre lui.
    Cet effroi confus, il l’avait senti chez ses collègues, parmi la foule, nombreuse encore dans la tiédeur nocturne, autour des Cordeliers et de l’Abbaye, comme si les gens hésitaient à se disperser. Et lui non plus ne laissait pas d’éprouver les plus sombres pressentiments.
    « Il est certain, avoua-t-il, que le geste de cette malheureuse aura des conséquences. Marat préservait les Brissotins, il ne subsiste plus aucun espoir de les sauver. Assurément, elle n’a pas été envoyée par eux. S’ils avaient voulu faire poignarder quelqu’un, c’eût été Robespierre, non point Marat. Ils ont armé cette fille sans le comprendre, follement, sottement, comme ils se sont toujours conduits. Je crains que le sang versé ce soir n’en réclame beaucoup d’autre. Il ne reste plus personne, aux Cordeliers, pour empêcher Roux, Varlet, Leclerc d’Oze et leur clique de mener la Révolution à toute bride. Ces pauvres cervelles ne sauraient comprendre que le meilleur moyen de la perdre c’est de vouloir la pousser sans délai à son achèvement. Marat pouvait les contenir, car il en imposait à Hébert et aux Cordeliers enragés. Nous, ils nous accuseront de modérantisme. »
    Il s’interrompit pour adopter un langage plus propre à calmer Lise. « Allons, mon petit chat, dit-il en la conduisant vers leur chambre, rassure-toi, viens dormir. Les épreuves ne doivent pas nous effrayer. Nous en avons déjà connu de rudes. Si celles qui nous attendent le sont davantage, nous leur opposerons une force d’âme plus grande. Tant que tu m’aimeras, je ne craindrai rien.
    — J’ai peur justement parce que je t’aime. »
    Au matin, ils entendirent les vendeurs de journaux criant les détails du crime, les interrogatoires de Charlotte Corday. Des voix clamaient aussi : « Grand succès à Vernon. L’armée fédéraliste anéantie. » Claude s’en alla vivement au Comité. Outre un bref billet reçu la veille, après dix heures du soir, un rapport venait d’arriver, expédié d’Évreux où Malinvaud était entré sans

Weitere Kostenlose Bücher