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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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nous insistions, elle s’est décidée à nous conduire. Et alors, mon ami, deux chiens seraient entrés dans sa chambre, il ne les aurait pas traités plus mal. » Enveloppé d’une chemise-peignoir, Maximilien sortait des mains de son coiffeur, la chevelure poudrée à blanc. Sa figure enfarinée semblait un masque. « Sans nous rendre en aucune façon notre salut, il s’est tourné vers son miroir suspendu à la croisée, a pris son couteau de toilette et s’est mis à racler minutieusement la poudre sur son visage. Nous attendions, debout, plutôt interloqués, tu t’en doutes. Quand il a eu fini, ôtant son peignoir il l’a posé sur une chaise tout près de nous, exprès pour blanchir nos habits, sans nous demander aucune excuse et sans même avoir l’air de prêter la moindre attention à notre présence. Il se lava dans une cuvette qu’il tenait à la main, se nettoya les dents, cracha longuement, toujours comme si nous n’étions pas là. » Finalement, Tallien avait pris la parole. « Lorsqu’on est aussi francs du collier que Fouché et moi, lui ai-je dit, il est bien pénible non seulement de ne pas se voir rendre justice, mais de se voir l’objet des accusations les plus iniques, des allégations les plus monstrueuses. Nous sommes bien sûrs qu’au moins ceux qui nous connaissent, comme toi, Robespierre, nous rendront justice et nous la feront rendre. » Pas un mot en réponse, même seulement pour leur offrir de s’asseoir. Il les regardait fixement, sans ses lunettes, avec ses yeux verts, glacés. Un vrai chat-tigre. « Je n’osais plus le tutoyer, j’ai continué en lui disant vous, mais les mots ne sortaient plus, j’avais la gorge nouée. Fouché est intervenu : « Croyez bien que notre démarche auprès de vous nous est dictée par l’estime que nous inspirent vos principes et votre personne. » Alors Robespierre a parlé. Il a dit à Fouché : « Ta figure est l’expression du crime. » Il a pincé les lèvres déjà fort pincées, et nous a tourné le dos. Voilà quelle a été notre entrevue. Nous sommes partis. Ce n’est pas un homme, c’est un animal féroce.
    — Bah ! fit Claude amusé, vous l’avez pris dans une mauvaise passe. Moi aussi, hier soir, il m’a rabroué de belle sorte. Nous nous sommes disputés. Je vais tâcher d’arranger les choses, je lui parlerai pour vous. »
    Dans la cour de la menuiserie, il trouva devant la pompe la citoyenne Duplay assise au soleil sur un escabeau, et occupée, en bonne ménagère, à éplucher des légumes. L’aidaient dans cette besogne deux hommes de la section des Piques, le sabre au baudrier, qui veillaient sur la sécurité de l’Incorruptible. Éléonore achevait d’étendre du linge. Claude salua les deux femmes. Robespierre accompagné par son danois, Brount, qui folâtrait autour de lui, sortit de la salle à manger. Il ne ressemblait en rien à un chat-tigre. Il avait l’air aimable et un peu triste que lui connaissaient bien ses intimes. En voyant Claude, il sourit, s’avança vers lui et l’embrassa. « Mon ami, comme je suis content que tu sois venu ! Ma vivacité ne répondait qu’à tes paroles. Tu n’as pas un instant cessé de m’être cher, et j’aurais souffert de t’avoir blessé. » Un peu confus de cet élan si peu mérité, Claude s’excusa. Il avait tous les torts. « J’ai cédé à une méchante nervosité, dit-il. Je sais bien que tu es au-dessus des haines personnelles et que ta sévérité pour les déchristianisateurs provient des périls dans lesquels ils ont, par leurs outrances, précipité la Révolution. »
    Éléonore retint Brount, tout gémissant de voir partir son maître. Bras dessus, bras dessous, les deux amis franchirent la voûte, remontèrent la rue ensoleillée, passèrent devant le portail des Feuillants qui masquait le vieux Manège si plein de souvenirs. Comme Claude racontait sa rencontre avec Tallien et Fouché : « J’espère, dit Maximilien, que tu n’es pas la dupe de ces hommes perdus ! Fouché est un hypocrite, un serpent, et Tallien un vil jouisseur sans conscience.
    — Non, rassure-toi, je ne suis pas leur dupe. Mais il faut compter aussi avec les vices, on ne peut pas instaurer la vertu par décret. Une république doit être fondée sur un idéal et construite dans le réel. »
    Saint-Just, sortant de l’hôtel des États-Unis, où il logeait, aperçut Maximilien et Claude. Il les rattrapa. Il était soucieux. L’instruction

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