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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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du complot hébertiste se révélait pleine de risques. Pourrait-on ne point toucher à Carrier ? Il avait, comme Momoro, et plus fort qu’Hébert, appelé à l’insurrection les Cordeliers. Carrier traduit au tribunal, on n’éviterait pas la divulgation publique des atrocités commises à Nantes, et, dit Saint : Just, tous les adversaires du Comité ne manqueront pas de les exploiter contre nous. » Risque d’autant plus inquiétant que Billaud-Varenne par sa conduite dans les prisons, en Septembre, Collot fusilleur des Lyonnais, n’étaient pas exempts de reproches, eux non plus. Ils seraient certainement mis en cause. Tout cela pouvait entraîner la dislocation, le renouvellement intégral du Comité. De plus, il faudrait impliquer Bouchotte, car il avait couvert Vincent et Ronsin. Ces deux-là réclamaient la citation de Danton et d’Hanriot que plusieurs témoignages désignaient comme le Grand Juge et le Généralissime choisis réellement par les conjurés. Au moyen d’Hanriot, rallié maintenant, s’il avait jamais trempé dans le complot, on tenait la garde civique parisienne ; il fallait le ménager. Saint-Just estimait prudent de ne point engager le procès, de laisser les Hébertistes en détention. Cela semblait bien difficile.
    Chaumette avait été arrêté à l’aube. Le Conseil général comprit, il chargea Pache de conduire une délégation à l’Assemblée. Le vieux Ruhl, le briseur de la sainte ampoule, membre du Comité de Sûreté générale, présidait. Il reçut les délégués en déplorant que la municipalité de Paris fût une des dernières à venir féliciter la Convention. Danton alors demanda la parole. On s’y attendait, on avait été surpris de son silence, les jours précédents. Pendant qu’il gagnait la tribune, ses amis, parmi lesquels se creusaient à présent bien des vides, paraissaient fort excités. Claude voyait Desmoulins, Delacroix, Philippeaux, Courtois, Bourdon de l’Oise parler vivement entre eux. Fréron – enfin de retour – et Legendre observaient plus de réserve. En rentrant de Toulon, Fréron était allé avec Barras chez Robespierre, pour se disculper auprès de lui des accusations dont on les criblait. Maximilien avait accueilli les deux commissaires aussi durement que Tallien et Fouché aujourd’hui. Depuis, le Lapin – qui n’approuvait pas la politique d’indulgence, car son expérience dans le Midi lui faisait considérer la rigueur comme indispensable encore – se ralliait, avec presque tous les ex-représentants en mission, à Collot d’Herbois et à Billaud-Varenne. Ils formaient un groupe dit des Terroristes, hétéroclite et vague dans ses frontières, mais avec lequel il fallait compter.
    Danton devait avoir prévenu ses fidèles qu’il allait réparer en un jour les effets de sa longue inertie. Le moment pouvait paraître favorable pour une de ces opérations de grand style dont il avait fourni maint exemple. Le coup frappé sur les Hébertistes ne démontrait-il point la justesse des campagnes du Vieux Cordelier, et ne prouvait-il pas que les Comités eux-mêmes reconnaissaient le besoin de la modération ?
    Campé à la tribune, massif, la chevelure blonde en crinière, la cravate froissée, Danton semblait avoir ressaisi sa puissance et retrouvé tout son art. Il préluda en rendant hommage, avec une sérénité un peu dédaigneuse, aux Comités « qui travaillent jour et nuit », à la Convention « qui jamais ne m’a paru plus grande ». Puis, abordant la situation : « Ne vous effrayez pas, dit-il, de l’effervescence du premier âge de la liberté. Elle est comme un vin fort et nouveau qui bouillonne jusqu’à ce qu’il soit purgé de toute son écume. » À présent, il importait d’en finir avec les passions personnelles. « Au nom de la patrie, ne laissons plus aucune prise à la dissension. Si jamais, quand nous serons vainqueurs (et déjà la victoire nous est assurée), si jamais des passions particulières devaient prévaloir sur l’amour de la patrie, si elles tentaient de creuser un nouvel abîme pour la liberté, je voudrais m’y précipiter le premier. Mais loin de nous tout ressentiment. Le temps est venu où l’on ne jugera plus que sur les actions. Les masques tombent. On ne confondra plus ceux qui veulent égorger les patriotes, avec les véritables magistrats du peuple. »
    Il désignait visiblement là Billaud-Varenne, Vadier, Voulland, acharnés contre lui. Ce fut sa seule pointe.

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