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Un vent d'acier

Un vent d'acier

Titel: Un vent d'acier Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Margerit
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cette comédie du cœur sur la main, où Danton était passé maître. Il ne s’agissait plus aujourd’hui de jouer les bons compères, mais de prendre froidement un engagement formel. Comme on quittait le salon pour la salle à manger, Claude glissa dans l’oreille de Danton : « Prends garde, tu commettrais une erreur tragique si tu croyais que nous sommes ici par faiblesse. »
    Il n’en perdit rien de sa jovialité. Le début du repas fut cordial. Maximilien s’appliquait à éviter les points de friction, tout en s’efforçant de placer la conversation là où il faudrait bien en venir pour que cette entrevue ne fût point une vaine rencontre. Claude sentait tristement l’impuissance de Robespierre à dominer un homme tel que Danton. Raisonneur têtu, tout farci de logique, Maximilien prétendait le convaincre. Danton ne connaissait que la raison du plus fort, du plus rusé. L’unique moyen de le réduire eût consisté à lui faire voir que tout était fini pour lui. Mais il ne l’aurait pas cru, même devant l’évidence. Il ne pouvait pas concevoir qu’à cette heure où, sous l’inflexible direction de Maximilien, la Révolution sortait de l’anarchie, dessinait enfin sa route, son but, ses étapes et organisait déjà l’avenir – il ne pouvait concevoir qu’entre lui, l’aventurier brouillon aux inspirations hasardeuses, aux desseins indiscernables et suspects, et Robespierre le pilote sûr, aucun patriote n’hésiterait dans son choix. Il se savait pourtant condamné par presque tous les membres des deux Comités, abandonné par les Jacobins. Il ne rassemblait plus autour de lui qu’une petite troupe décimée, marquée d’infamie, depuis longtemps promise à la guillotine. Sa crédulité, sa vanité relevaient au-dessus de tout cela. Il s’estimait intouchable. Il était l’Arche. Il était le pape de la Révolution. Il gardait toute confiance dans sa faconde et son machiavélisme. Son récent succès à la Convention lui donnait l’assurance de disperser d’un souffle tous les pygmées criaillant après lui.
    Échauffé par la bonne chère, il mêlait à présent le dédain à la familiarité. « Dérobe-toi donc, disait-il, aux trames que nouent contre moi ces individus dont la présence déshonore les Comités : le sénile Vadier, Amar, tartufe libidineux qui me reproche mon épouse et se débauche avec des petites filles, Billaud, Collot, jamais assouvis de sang. Billaud ne me pardonne pas, sans doute, de l’avoir obligé, lui et sa belle femme, quand ils étaient dans la misère. Cesse de prêter l’oreille aux commérages de quelques imbéciles. Ne regarde que la patrie, ses besoins, ses dangers.
    — Me suis-je jamais occupé d’autre chose ? coupa Robespierre dont les lèvres se pinçaient.
    — Non, mais toi qui devrais être à la tête des patriotes, tu t’en isoles presque toujours. Tu écoutes ton cortège de sots prétentieux et de hargneux roquets, ton Saint-Just qui porte sa tête comme le saint sacrement.
    — Il te sied bien de critiquer mes compagnies ! Et ton Chabot, ton Bazire, ton Fabre d’Églantine, ton Séchelles : des prévaricateurs, des corrompus, des traîtres.
    — Voyons, mes amis, mes amis ! se récria Legendre, ne recommencez pas ces querelles qui ne reposent sur rien d’important. Votre mésintelligence étonne les véritables amis de la patrie. »
    Panis, Deforgues, Humbert, se joignant à l’ancien boucher, ramenèrent la concorde.
    « Vous avez raison, déclara Danton, rien de profond ne nous sépare. La haine a toujours été étrangère à mon cœur. Oublions nos ressentiments, Maximilien. Je sais d’ailleurs que tu m’as défendu, au Comité. Secoue l’intrigue, unissons-nous pour humaniser la république.
    — Quant à moi, je le veux. C’est toi qui nous rends à dessein la modération impossible en réclamant une excessive indulgence. Cesse cette politique, et nous nous entendrons.
    — Je n’agis point par politique. Trop de sang a coulé, vous y noierez la république. Le Tribunal révolutionnaire, je l’avais inventé comme un rempart, vous en faites une boucherie. Il faut arrêter cela.
    — Je le sais. La République française ne doit point passer aux yeux de l’étranger pour une buveuse de sang. Mais qui, de nous deux, a protégé les soixante-treize ? N’étais-je point d’accord avec toi pour épargner la reine ? N’ai-je pas obtenu le vote d’un comité de justice ? Il aurait existé si

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