Un vent d'acier
se sont acquittés pour rien ? »
Blême, suant d’angoisse, Hébert tenta vainement de se justifier ; accablé par les pièces à conviction, il fut bientôt réduit au silence. Et cependant, malgré le discrédit où il était tombé, il conservait encore quelques partisans. Sur le perron du Palais et dans la cour où les curieux refoulés de la salle comble, se pressaient au-delà des grilles jusque dans la rue, des sans-culottes critiquaient la façon dont le tribunal conduisait les débats. « On ne laisse aux accusés ni le temps ni les moyens de se défendre. Le président est trop dur : Il ne s’agit pas ici de phrases, fait-il aux prévenus. Hébert est un nouveau martyr de la liberté, et ce qui prouve combien il est étranger au complot où on l’implique, c’est qu’on cherche à prouver sa culpabilité en l’accusant d’un vol de matelas. »
Ces protestations provenaient de patriotes à cinquante sous, d’épauletiers qui avaient prudemment remisé leur uniforme. « Allons donc ! » leur répliqua un citoyen, « vous applaudiriez le tribunal, si la Convention et les Jacobins occupaient la place des Hébertistes. » Puis, prudemment lui aussi, il s’esquiva. En général, le peuple ne pardonnait pas au Père Duchesne de l’avoir trompé. Les bruits les plus fantaisistes et les plus contradictoires circulaient dans la foule. Une bande de trois cents sectionnaires du faubourg Antoine se proposaient, disait-on, d’enlever Hébert pour le soustraire au jugement. Des commères affirmaient très sérieusement que l’on venait de trouver chez lui un million en assignats. Bouchotte, parbleu, l’avait fourni.
Les Jacobins, qui attendaient avec passion l’issue du procès, s’étaient mis en permanence jusqu’au prononcé du jugement. Après avoir témoigné, Dubon se rendit au club pour y porter les dernières nouvelles du tribunal. Selon Fouquier, tout serait terminé ce soir même. Il était neuf heures et demie. Bréard, montant à la tribune, prit la parole pour rassembler en un solide faisceau tout ce qu’il fallait, parmi des accusations confuses, retenir contre les conjurés.
« Leur projet essentiel, dit-il, était d’avilir la Convention nationale et les agents de la république. La conduite d’Hébert, lors de la nomination de Paré au ministère de l’Intérieur, en fournit une preuve convaincante. Hébert ambitionnait la place. Ce motif l’engagea à proposer, conjointement avec son associé Vincent, l’organisation du gouvernement constitutionnel. Non content de calomnier le ministère, on le vit aussi attaquer par des sobriquets insolents les membres de la Convention qui n’avaient pas voté en sa faveur. On le vit dénoncer à cette tribune d’autres membres chargés par le Comité de Salut public de missions importantes dans les départements. On le vit dénoncer les représentants du peuple près l’armée du Midi et celle du Nord, pendant que l’une chassait les Anglais de Toulon et que l’autre délivrait Maubeuge, faisait mordre la poussière aux féroces Autrichiens. Et après avoir ainsi dénoncé les membres les plus énergiques de la Convention pendant leur absence, ne l’avez-vous pas vu avec cette lâcheté et cette fourberie qui le caractérisent, démentir ce que les journaux n’avaient fait que répéter après lui ?…»
Dubon apprécia cette analyse. Le complot des Hébertistes avec les royalistes et l’étranger, il n’y croyait pas. Le crime, véritable et certain, d’Hébert et de ses associés était là : ils voulaient le pouvoir, par ambition, par cupidité. Pour l’obtenir, ils n’avaient pas balancé à mettre en péril l’œuvre en train de s’accomplir grâce aux efforts du gouvernement révolutionnaire.
Au moment où Bréard achevait ce réquisitoire, Fouquier-Tinville, au tribunal, terminait le sien, qui était loin d’avoir cette précision. Il tendait, au contraire, à confondre volontairement toutes les culpabilités : les évidentes et les hypothétiques. Le président les résuma en qualifiant les accusés « d’infâmes, de brigands, de traîtres, de méprisables instruments, d’âmes viles, de barbares, d’hypocrites, d’égorgeurs, de parricides, d’affameurs, de féroces esclaves, d’usurpateurs, d’agents du tyran, de valets de l’étranger, de faux patriotes et de royalistes ». Après quoi, le jury se déclara suffisamment éclairé. Nul besoin d’entendre les plaidoiries. Dumas prononça la
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